« Mon Dieu, cette époque est trop dure pour des êtres fragiles comme moi. Après elle, je le sais, viendra une époque beaucoup plus humaine. J’aimerais tant survivre pour transmettre à cette nouvelle époque toute l’humanité que j’ai préservée en moi malgré les faits dont je suis témoin chaque jour. C’est aussi le seul moyen de préparer les temps nouveaux: les préparer déjà en nous. » (Etty Hillesum)
Je ne suis pas sûr, pas sûr du tout, que viendra bientôt une époque plus humaine. Je dirais même que plus le temps passe, plus la situation se dégrade de tous côtés, et moins je vois des raisons d’y croire…
Mais je me sens bouleversé par ce doux courage et par cette invitation à garder en nous assez d’humanité, de compassion et de tendresse pour nous-mêmes, pour les personnes qui nous sont chères, pour tous ces gens que nous ne connaissons pas mais qui se présenteront peut-être un jour à notre porte, et pour le vivant dans lequel nous sommes immergés, et qui est inexorablement laminé sous nos yeux.
Si j’aime ces quelques phrases, c’est aussi parce qu’elles me rappellent ce que j’ai voulu faire en venant m’installer ici: préparer des temps nouveaux, et si possible des temps nouveaux qui soient paisibles et joyeux, riches en fraises, en cétoines dorées, en lézards verts, en amis, en musique…
Pour l’être fragile que je suis moi aussi, ce n’est pas un mince défi.