Ainsi donc, 76% des Français » seraient « inquiets » des conséquences du changement climatique.
Mais d’abord il n’y en a que 28% qui sont « très inquiets (et 48% de « peu inquiets »). Et quand on demande aux sondés quel est le sujet qui les préoccupe le plus, 12% seulement désignent le changement climatique, soit moins que le pouvoir d’achat (36%) et la santé (15%).
Bref, on est encore assez loin de la panique collective.
Et puis il reste à savoir ce que signifie être inquiet. En lisant ces chiffres et en pensant à la façon dont vivent nos contemporains, je me dis que si inquiétude il y a, son niveau reste encore ttrèèèèèès éloigné de ce qu’il devrait être s’ils avaient vraiment compris la gravité et l’urgence de la situation.
Si ces 76% de Français étaient vraiment inquiets, je veux dire à la hauteur de l’immensité des risques qui se profilent (et qui se matérialisent déjà), alors ils et elles voteraient en premier lieu en fonction des enjeux écologiques, ils et elles participeraient aux mouvements de lutte contre l’inaction climatique (voire à des ZAD), ils et elles soutiendraient massivement toutes les alternatives au modèle économique dominant, ils et elles défonceraient leur pelouse pour faire un potager et planter des fruitiers, ils et elles changeraient radicalement leur mode de vie, leur alimentation, leurs modes de transport, leurs loisirs, leurs placements, etc.
Mais non.
Le changement climatique rend les Français plus inquiets qu’avant, certes, mais moins que le recul du pouvoir d’achat, alors même que le pouvoir d’achat, c’est ce qui permet aux « civilisés » que nous sommes de consommer toutes sortes de biens et de services plus ou moins inutiles, qui ne nous rendent même pas heureux, et qui contribuent à dézinguer de plus en plus vite l’habitabilité de la seule planète que nous ayons à notre disposition.
Comme l’a exprimé hier bruno chaplot (merci pour l’analogie très éclairante!), imaginez qu’on vous apprenne que vous êtes atteint d’un cancer du poumon ou de la gorge alors que vous êtes fumeur, ou d’un cancer du foie alors que vous êtes alcoolique, et qu’on vous invite fortement à cesser de boire et fumer.
Vous sentiriez-vous « très inquiet », « peu inquiet » ou « pas inquiet »?
Et surtout, à propos de quoi seriez-vous inquiet? Seulement à propos du fait que vous ayez encore à l’avenir les moyens de vous acheter des clopes et de l’alcool? Ou bien à propos de votre capacité à guérir et à survivre?
J’ai bien l’impression que parmi les 76% de Français qui se disent « très » ou « peu » inquiets à propos du changement climatique, il n’y en a pas beaucoup qui ont vraiment compris à quel point il faut être inquiet – ou bien cette inquiétude reste vague, et en tous cas elle ne se traduit pas par des changements individuels profonds, ni par une modification de leurs choix politiques.
Comment faire pour sensibiliser à la hauteur des enjeux sans provoquer un sentiment d’impuissance et de la tétanie individuelle et collective? On n’a pas fini de se poser la question…
