Franz Liszt a écrit treize poèmes symphonique et une messe pour orgue, mais il est surtout connu pour ses œuvres pour piano. Il faut dire que c’était son instrument de prédilection et qu’il en parlait comme d’une véritable compagne: « Mon piano, c’est pour moi ce qu’est au marin sa frégate, c’est ce qu’est à l’Arabe son coursier […], c’est ma parole, c’est ma vie. »
Durant mes années d’étudiant, j’écoutais assez souvent « Les années de pèlerinage », dans la version d’Aldo Ciccolini, pendant que je travaillais ma thèse. J’aimais beaucoup cette musique douce et mélodieuse, qui créait dans mon petit F1 une ambiance calme et sereine.
C’est plus tard que j’ai découvert les Liebestraüme (« Chants d’amour » ). Écrits et publiés en 1850, il s’agit de trois œuvres en forme de prélude qui accompagnent trois poèmes écrits par des auteurs de langue allemande, et qui tous les trois abordent une forme différente de l’amour.
Le premier Liebestraüm exprime un amour passionnel et exalté (« Hohe Liebe » ). Le second évoque l’amour érotique, notamment à travers une description de la « petite mort » . Quant au troisième, celui que je trouve le plus beau, il met en valeur un amour plus mature, qui s’inscrit dans la durée et qui persiste malgré les difficultés.
Liszt est sans doute inspiré par sa propre relation avec Marie d’Agoult, qu’il a rencontrée en 1832, dont il aura deux filles, mais qui s’installera très vite loin de lui (elle en France et lui à Vienne). Bien qu’on lui ait prêté pas mal de conquêtes, la distance n’avait pas atténué l’ardeur de l’affection que Franz Liszt portait à cette femme, c’est le moins que l’on puisse dire en lisant ces phrases ardentes tirées d’une des lettres qu’il lui a écrites: « La journée est sombre et froide. Le seul rayon qui me vient, le seul foyer de chaleur et de vie, c’est votre souvenir, chère Marie« .
Dans ce Liebestraüm n° 3, Franz Liszt exprime l’intensité de son amour d’une manière particulièrement prenante et envoûtante. Tout au long des cinq minutes que dure cette pièce quand elle est interprétée par le chilien Claudio Arrau, la mélodie est intense et expressive, alternant entre le soupir et la plainte, avec des accès de désespoir réellement poignants (par exemple dans les superbes notes descendantes à partir de 2’52), et un superbe final qui se fond dans le silence.
« O lieb, so lang du lieben kannst«
(« Aime aussi longtemps que tu peux aimer« )