The Pixies – « Planet of sound »

« Un jour nous nous réveillerons et nous n’aimerons plus les Pixies. Ce matin-là, nous nous réveillerons et nous ne voudrons plus du rock. Et les Pixies seront les premières victimes de ce changement de régime, car nul autre qu’eux incarne de façon plus basique, plus physique, plus charnelle, plus directe, notre rock. » Ces mots de JD Beauvallet dans les Inrockuptibles me paraissent totalement justes.

Mais heureusement, ce jour n’est pas arrivé!

Sorti en 1991, le quatrième et dernier album studio de ce groupe énorme que sont les Pixies, « Trompe le monde » , est un disque foisonnant, ou pour mieux dire bordélique. Il y a des morceaux lents et presque tranquilles (« Bird dream of the Olympus mons » ), d’autres lancinants et parfaits pour conduire la nuit sur autoroute (« Motorway to Roswell » ), d’autres encore où ça braille et ça torture la guitare (« U-mass » ) – et mieux encore, il y a des morceaux où il y a un peu tout ça, qui partent dans tous les sens de façon apparemment désarticulée ou invertébrée. Apparemment, bien sûr: certains ont parlé d’un « rock cubiste », au sens où le groupe présente chacun à leur tour les différents éléments qui constituent l’album, ce qui en fait un disque composite, qui semble déstructuré et explosé, mais qui en réalité est très réfléchi.

Mais ce qui fait l’homogénéité de « Trompe le monde » , c’est le son abrasif, sauvage, brutal. Ça lorgne parfois vers le metal (que je n’aime pas, là est l’une de mes limites en musique), et le leader et chanteur Black Francis a lui-même dit que cet album est le plus punk des Pixies.

Quand il enregistre cet album, le groupe sait qu’il va bientôt splitter, car l’ambiance est détestable entre Black Francis et la bassiste Kim Deal, qui l’exaspère car elle a obtenu un certain succès quelques temps plus tôt avec un autre groupe. « Trompe le monde » est donc une espèce de bouquet final: c’est une succession de bombes musicales d’une créativité affolante, ça pète, ça éblouit, ça explose les tympans, et après ça, rideau.

« Planet of sound » est l’une des grenades musicales dégoupillées que les Pixies parsèment sur ce disque. Sur les couplets, la basse de Kim Deal s’impose, impitoyable et menaçante, éclipsant presque la batterie frénétique et teigneuse de David Lovering (d’ailleurs sur ton ami Gougueule, le lien vers la tablature de la basse arrive avant celui de la guitare pour ce morceau, ce qui est exceptionnel). Mais sur les refrains, les guitares vomissent littéralement tout ce qu’elles ont dans le ventre, contorsionnées comme si on les torturait sauvagement, tourbillonnantes comme pour échapper à un agresseur pervers, tandis que Black Francis éructe des paroles qui, il faut bien le dire, n’ont à peu près ni queue ni tête (et encore je suis assez gentil de dire « à peu près » ).

La chanson ne dure qu’un peu plus de deux minutes, comme si pour le groupe c’en était déjà bien assez. Écouter un morceau si monstrueux de furie peut être une expérience éprouvante, on peut déjà en sortir sonné, alors j’imagine ce que ça doit être de le jouer sur scène…

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