Sorti en 1970, « Bryter Layter » , le deuxième album de Nick Drake, prolonge la voie qu’il avait défrichée deux ans plus tôt avec le merveilleux « Five leaves left » : une folk profondément sensible, empreinte de désolation et de tristesse, qui exprime un ardent désir de paix, mais une incapacité maladive à s’attacher sereinement à quoi que ce soit.
Avec « Bryter Layter » , le langage musical et poétique de Nick Drake continue à célébrer la nature et le monde dans ses différentes saisons. Ici il s’attache à souligner ce que la nature contient de surgissement printanier ou d’enchantement estival, là il se fait plus automnal ou hivernal, insistant plutôt sur le chagrin, le reflux, la perte, la défaite…
Avec ce deuxième disque, le succès commercial n’a pas été au rendez-vous, c’est le moins que l’on puisse dire: seulement 3.000 galettes vendues, autant dire une misère! De quoi plonger Nick Drake encore plus profondément et douloureusement dans un sentiment d’échec et d’incompréhension dont il finira par ne pas se remettre (deux ans et un troisième album plus tard, il se suicidera aux barbituriques).
« Northern sky », sur laquelle John Cale est au piano et à l’orgue, et qui fourmille de sons cristallins, de riffs de guitare acoustique et de clochettes légères, est une parenthèse enchantée dans la dépression dans laquelle Nick Drake s’est englué. Telle une aurore boréale musicale, cette chanson céleste saisit un moment de magie qui jaillit en lui grâce à la contemplation de la nature, mais aussi grâce à une personne qui se présente sur son chemin et qui lui apporte enfin un peu de fraîcheur, de douceur et de paix, c’est-à-dire précisément ce qu’il attendait tant (« I’ve been a long time that I’m waiting » ). Le désir dévorant d’amour serait-il enfin en passe d’être comblé, et si oui, jusqu’à quand? « Would you love me through the winter? Would you love me ’til I’m dead?«
Quand j’ai écouté ce morceau pour la première fois, ça a été un éblouissement immédiat (ce qui est très rare). « Northern sky » est une chanson parfaite, qui peut accompagner durant toute une vie, tout au long de la quête de bonheur, de beauté et de paix intérieure, et quels que soient les événements, dans les jours les plus lumineux comme dans les plus sinistres. C’est une chanson qui nous dit que le monde entier peut tenir dans la paume de notre main, et qu’il suffit d’ouvrir notre coeur pour qu’il soit soudain baigné de lumière, comme un ciel du nord lorsque se trouent les nuages.
« I never felt magic crazy as this
I never saw moons, knew the meaning of the sea
I never held emotion in the palm of my hand
or felt sweet breezes in the top of a tree
But now you’re here
brighten my northern sky »