Lana del Rey – « Did you know that there’s a tunnel under Ocean Blvd »

Sorti au début de cette année 2023, le neuvième album studio de Lana Del Rey est rempli de chansons vibrantes d’émotion, à commencer par la fascinante « Fingertips », que j’ai partagée au printemps. C’est un disque raffiné, complexe, d’une beauté tentaculaire, à la production somptueusement classique, et qui brille notamment par plusieurs ballades éblouissantes, baignées par une mélancolie intense, richement ouvragées, interprétées avec ampleur par de grands orchestres… Des chansons de diva – mais comment est-ce possible qu’on ne lui ait pas encore confié la chanson titre d’un opus de la saga James Bond?

Comme sur les précédents albums, les textes, écrits par Lana del Rey herself, explorent et exposent son intimité de façon troublante. Tout au long des seize chansons, on assiste à un voyage intérieur que certains pourront trouver impudique, mais qui me touche énormément par sa sincérité et par la vulnérabilité qu’il donne à voir.

C’est notamment le cas dans la chanson titre de l’album, que je partage ce soir. Lana del Rey s’y s’identifie explicitement au Jergins tunnel, un passage qui a été creusé en 1927 à Long beach en Californie entre un théâtre de style art deco et la plage, mais qui est désormais désaffecté. La décoration originale et arty de ce tunnel (il était truffé de mosaïques et de faïences), le fait qu’il comprenait une foule de petites boutiques, sa fréquentation impressionnante (il était emprunté par plus de 4.000 personnes par heure), et le fait qu’il ait été fermé au public en 1967, tout cela en fait un lieu un peu mythique, support potentiel de fantasmes mélancoliques, comme les aime Lana del Rey.

En se comparant à ce Jergins tunnel, la star new-yorkaise exprime la douleur lancinante de se sentir oubliée et laissée à l’abandon. Mais elle lance aussi un appel à l’aide pour libérer cette âme emprisonnée: « Open me up, tell me you like it / Fuck me to death, love me until I love myself« .

Un texte et une métaphore sexuelle d’une grande trivialité, un regard cruel et désolé sur elle-même, un vif espoir de voir sa vie transfigurée par l’amour, tout cela exposé de façon poétique, chanté d’une voix faussement négligente, posé sur une musique sophistiquée, langoureuse et classieuse: c’est tout Lana Del Rey, maîtresse dans l’art de se mettre en scène tout en donnant l’impression que l’essentiel reste caché, qu’il y a derrière la façade maîtrisée un monde intérieur infiniment riche. Un monde auquel ne pourra avoir accès que celui qui saura en trouver les clés – ou mieux encore, celui qui saura lui donner l’envie d’ouvrir elle-même la porte de son corps, de son coeur et de son âme.

« When’s it gonna be my turn? »

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