Bono a dit plusieurs fois que pour U2, l’album « Achtung baby » a été une question de survie, en tous cas de renaissance. L’accouchement a été long et difficile, le virage musical a été assez brutal – il suffit de réécouter les première notes de « Zoo station », quel contraste entre ce son brutal, froid, industriel, et les ballades country du précédent album « Rattle and hum »!
Pour illustrer le tournant alors pris par U2, on peut citer une interview donnée au magazine Rolling Stone par The Edge en 1991: « Je me souviens toujours de la gêne profonde que je ressentais lorsque je me trouvais par hasard dans un club et qu’un DJ à l’esprit généreux mettait l’un de nos morceaux de l’album War. C’était tellement évident qu’on n’avait jamais réfléchi à la façon dont ça passerait dans les clubs. On a donc voulu nous perfectionner dans le domaine du rythme, du backbeat et du groove. » Plusieurs titres de « Achtung baby », en particulier « The fly » et « Mysterious ways », montrent que cet objectif a été pris très au sérieux.
Mais pour ma part, ce sont les ballades qui me touchent le plus sur cet album.
Troisième chanson sur la tracklist, « One » a été inspiré par le divorce entre The Edge et son épouse, dont il avait eu trois enfants – pas le genre de séparation dont se remet en trois coups de cuiller à pot. En forme de soutien à son guitariste, U2 enregistre cette magnifique chanson pleine de tendresse et de compassion, qui décrit ce qui reste et qui sauve quand un amour se meurt: la fraternité et la chaleur des amis, en l’occurrence de U2 en tant que groupe, ou mieux encore en tant que « communauté« , comme l’a dit Bono. Incidemment, la dimension politique et même religieuse n’est pas absente de cette chanson, puisqu’en 1991 on est en train de vivre la réunification de l’Allemagne, la fin de l’apartheid en Afrique du sud, la pacification progressive de l’Irlande…
Il n’empêche, c’est bel et bien une chanson sur la séparation, et même sur le déchirement. Il paraît que beaucoup de couples choisissent de jouer ce morceau à l’occasion de leur mariage. Ceux-là n’ont pas bien compris le sens des paroles…
« Did I disappoint you?
Or leave a bad taste in your mouth?
You act like you never had love
and you want me to go without »