C’était en 1984, en un temps où Madonna n’était pas encore la pathétique et effrayante poupée Barbie en botox qu’elle est devenue, mais une jeune chanteuse affriolante et provocante, lascivement moulée dans une robe de mariée, outrageusement sexy avec ses bretelles en dentelle. Sans doute avait-elle déjà en elle les failles qui l’ont amenée, plus tard, à être obsédée par son apparence et par le fait de concentrer sur celle tous les regards, qu’ils soient concupiscents ou jaloux. Mais à l’époque, elle avait l’art de transcender ce manque dévorant en des chansons souvent pleines d’énergie et de joie (« Holiday », « Like a virgin », « Into the groove » …).
A priori, « Love don’t live here anymore », reprise d’un titre du groupe soul américain Rose Royce, est un simple slow, comme il s’en faisait beaucoup à l’époque. Mais on est aux antipodes des slows sirupeux, comme par exemple le « Reality » qu’on entend dans le film « La boum » . Ici au contraire, Madonna exprime le chagrin amoureux de façon douloureuse et flamboyante, avec une rage contenue, qui est longtemps contrôlée par des tourbillons de cordes, mais qui s’exprime finalement par des cris rauques à la suite de la montée des notes, à 4’20. Elle est simplement soutenue par des guitares acoustiques et des cordes synthétiques, la batterie (typiquement eighties) n’intervenant qu’à partir du second couplet, pour accompagner la montée en puissance de l’émotion.
« You abandoned me / Love don’t live here anymore » : pas besoin d’en dire beaucoup plus, n’est-ce pas, car tout le monde a connu ça et sait à peu près ce que ça fait. Peut-être qu’il fallait en passer par là pour accéder, plus tard, à un amour encore plus beau, plus libre et plus léger? Mais il faut avouer que sur le moment, c’était quand même violent.
« Just emptiness and memories »