Issue de l’album « Wish you were here », de loin mon préféré des Pink Floyd, « Shine on you crazy diamond » est un fantastique, un invraisemblable, un gargantuesque monument musical.
Cette chanson a été écrite par le groupe comme un hommage poignant à un ami disparu dans l’enfer de la paranoïa et de la drogue, son ancien leader Syd Barrett. Celui-ci brillait comme une étoile dans sa jeunesse, mais au moment où l’album a été enregistré, il n’était plus que l’ombre de lui-même, rongé par la schizophrénie. Pendant les sessions d’enregistrement, qui ont eu lieu en 1975, Syd Barrett est venu rendre une visite inopinée dans les studios Abbey Road, mais les autres membres des Pink Floyd, qui ne l’avaient pas vu depuis sept ans (!), eurent du mal à le reconnaître tant il était devenu chauve, obèse et d’apparence effrayante avec son air hagard, ses sourcils rasés et son regard qui ressemblait alors à un immense et terrifiant trou noir. La légende dit que lorsque David Gilmour et Roger Waters ont réalisé qu’il s’agissait de leur ami, ils ont fondu en larmes. Ce n’est pas pour rien que cet album s’est appelé « Wish you were here », et par pour rien non plus que le titre de cette chanson forme presque un acronyme de SYD (Shine on You crazy Diamond)…
Au-delà de cette dimension poignante, « Shine on you crazy diamond » est un morceau surnaturel, qui semble enregistré dans l’espace tellement il est planant, et dans lequel chaque instrument se déploie en majesté après une fantastique introduction qui s’étire en langueur autant qu’en longueur.
Trop longue pour être insérée sur une seule face de vinyle (26 minutes), la chanson a donc été séparée en deux plages distinctes (au début de la face A et à la fin de la face B). En grande partie instrumentale (la voix n’intervient qu’à 8’42), elle se compose de neuf parties assez clairement distinctes, durant lesquelles elle fait intervenir des solos inoubliables et des sonorités improbables (par exemple le bruit du vent sur lequel viennent se poser des envolées de synthé et des notes nerveuses de guitare, au début du part II).
J’adore notamment la célèbre suite d’accords sortie de la guitare de David Gilmour qui intervient à 3’54, et qui ouvre un merveilleux passage surnommé par certains fans « le thème de Syd ». Bien qu’à l’époque il ne pouvait déjà plus trop blairer son guitariste, Roger Waters lui a rendu un superbe hommage à propos de ce solo lunaire: « Dave (…) s’est plongé dans sa guitare pour conjurer le mauvais sort et briser cette chape de silence. Une grappe de notes toute simple mais vraiment sublime jaillissait sous ses doigts. (…) Alors je me suis mis à écrire, écrire, écrire, écrire encore. Cela a donné Shine on you crazy diamond, une réflexion outrée sur l’absence. »
L’été 2022, au lendemain du CCP de permaculture qui avait été organisé chez moi, quelques amies étaient restées pendant quelques jours de plus. Un petit matin, quand j’ai été sûr que tout le monde était réveillé, j’ai mis ce morceau bien fort, toutes portes et fenêtres ouvertes. Quand l’une de ces amies est descendue pour déjeuner, ses premiers mots ont été « Ah qu’est-ce que c’est bon d’écouter ça!« , avec la mine la plus réjouie du monde.
Oui Flo, qu’est-ce que c’est bon d’écouter ça!
« Remember when you were young, you shone like the sun
Shine on you crazy diamond
Now there’s a look in your eyes, like black holes in the sky »