Quatrième album studio de The Clash, « Sandinista » (1980) est un pantagruélique triple vinyle de 36 titres (six sur chaque face), que le groupe a enregistré à New York dans une intense tension créative, nourrie par le bouillonnement underground de la grosse pomme.
Avec « Sandinista », The Clash fait quelques pas de côté par rapport à l’inspiration punk de ses débuts, ou plutôt il la mélange avec des genres musicaux a priori très différents, principalement le rock mais aussi le reggae, le dub, le rhythm and blues, le hip-hop, le rap, les lignes de basse typiques de la soul, etc. Il ressort de ce shaker un album éminemment éclectique, métissé et bigarré – ce que la pochette laisse déjà entendre avec sa photographie des quatre membres du groupe chacun sapé dans un style différent. « Sandinista » est un bordel organisé, comme une chambre d’ado foutraque dans laquelle ses parents n’osent pas mettre un orteil mais dans laquelle il se retrouve, lui, sans difficulté.
L’inspiration punk reste néanmoins très présente dans l’attitude (par exemple le fait que le groupe a cédé sa part sur les 200.000 premières copies vendues afin que le triple vinyle puisse être vendu à un prix abordable), dans le titre de l’album (qui fait référence à la révolution au Nicaragua), et dans ses paroles qui diffusent une critique sociale et politique au vitriol, notamment à l’encontre du thatchérisme qui tape alors sans vergogne sur les mineurs et les ouvriers. En dépit de leur succès depuis l’album « London calling », les membres de The Clash sont restés des types ancrés dans la rue, connectés aux souffrances et aux indignations qui s’élèvent à travers le monde.
Première chanson et troisième single issu de l’album, « The magnificent seven » est l’un de ses morceaux phares, car c’est l’une des premières fois qu’un groupe de punk (ou de rock), qui plus est formé de musiciens blancs, intègre dans son écriture musicale le rapport et le hip-hop. À l’époque, les membres de The Clash écoutaient beaucoup les groupes qui étaient en train d’inventer ces deux genres musicaux, notamment The Sugarhill Gang.
Musicalement, « The magnificent seven » est construite autour d’un riff de basse assez funky, qui offre à la chanson la possibilité de passer sur les dance floors sans que l’esprit rebelle des Clash ne soit renié, grâce notamment à un flow farouche et aux notes entêtantes de guitare dans la partie finale.
Le texte, dont la légende dit qu’il a été écrit à l’arrache par Joe Strummer, fait a priori référence à l’un des plus célèbres westerns de l’histoire du cinéma, qui porte le même titre (traduit en français par « Les sept mercenaires »).
Mais en réalité, « The magnificent seven » raconte une journée dans la vie d’un employé de supermarché, depuis la sonnerie du réveil (« Ring! Ring! It’s 7:00 A.M.! / Move y’self to go again« ) jusqu’à l’accablement du soir (« FUCKING LONG, INNIT?« ). Entre temps, le chant fier et teigneux de Joe Strummer décrit sous toutes ses coutures le coût humain du capitalisme, qui oblige chaque salarié à gaspiller le meilleur de son temps dans une « awful place » (ici c’est un magasin ou un entrepôt, pour un autre ce sera un atelier à la chaîne ou la fosse d’une mine de charbon).
Il y a pourtant bien mieux à faire de sa vie que de la sacrifier ainsi au travail. « What do we have for entertainment? » Par exemple lutter ensemble sous la bannière de « Karlo Marx et Friedrich Engels« , comme l’évoque le dernier refrain.
Ou bien monter au septième ciel, et dans ce cas plutôt sept fois qu’une – un tout autre genre de magnificent seven…