Ce disque de duos n’est pas l’un des plus fameux et les plus unanimement respectés de l’histoire du jazz, mais il fait partie de ceux que je préfère et que j’écoute avec le plus de plaisir.
Il faut dire que le son feutré et sensuel du sax ténor de Lester Young (surnommé « Pres » pour President » , ce qui souligne bien la majesté émanant de son jeu) se marie merveilleusement avec la subtilité et la légèreté du piano de Teddy Wilson.
Alors bien sûr, les puristes trouvent que ça sonne très piano-bar, et d’ailleurs j’ai moi-même souvent mis ce disque comme arrière-fond musical en recevant des amis. Et alors? Où est le mal à prendre plaisir à une ambiance sonore sans en écouter attentivement tous les méandres? Cet album me met en joie, tout simplement, et j’en profite bien volontiers.
Lester Young et Teddy Wilson mettent ici en musique ce que j’aime et recherche désormais dans la vie, à savoir l’écoute, l’attention à soi et aux autres, la gentillesse, l’élégance, la douceur – et par dessus tout, un sentiment de sécurité propice à l’abandon, à l’ouverture, au lâcher-prise.
Le titre de ce morceau, pourtant, évoque un versant plutôt douloureux de l’amour, quand il obsède et donne l’impression que sans la personne aimée, la vie n’a strictement aucun sens, si bien que l’on est voué à un chemin de croix définitif. C’est peut-être le fait des années qui ont passé, mais aujourd’hui je préfère infiniment l’amour qui libère et allège à celui qui enferme dans la passion et l’exaltation.
Heureusement, l’interprétation de ce standard contredit le titre, car il en émane une atmosphère de chaleur, de tendresse et de compréhension que je trouve aussi émouvante qu’apaisante. Écouter ce morceau avec la femme qui partage ma vie, simplement enlacés sur un canapé, sans rien faire d’autre que de profiter de la musique et de la compagnie que l’on s’offre mutuellement, voilà qui serait pour moi une belle définition d’un instant de bonheur…