Ce soir je partage encore un air de cour baroque, de ceux que j’aime tant pour leur caractère élégiaque et délicat.
Celui-ci a été écrit par Charles Tessier, un compositeur français de la fin du 16ème siècle qui a beaucoup voyagé à travers l’Europe dans les cours de France, d’Angleterre, du Saint-Empire ou de Lorraine, d’où la variété de ses inspirations et de son œuvre (des airs de cour, des « villanelles » et un madrigal, en italien, en espagnol, en turc ou en gascon).
Fondateur de l’ensemble Le Poème Harmonique, le luthiste et chef d’orchestre Vincent Dumestre a réuni certaines de ces pièces dans un très beau disque intitulé « Carnets de voyages » , édité par Alpha, une excellente maison d’édition spécialisée dans la musique baroque française.
D’un air à l’autre, on est transporté par le son d’instruments aux noms inattendus (bombarde, théorbe, dulciane, cornet, dessus de viole, sacqueboute…), par des voix qui se répondent comme dans une partie de colin maillard, notamment par celle, magique, de la soprano Claire Lefiliatre.
« Me voilà hors du naufrage » est un air que l’on croirait dédié aux coeurs d’artichaut qui succombent trop vite et trop facilement aux délices de la séduction, qui fantasment ardemment sur l’être aimé, et qui souvent le payent cher lorsque la réalité vient toquer à la porte. « La mer est calme et sereine / quand nous commençons d’aimer » , on vit alors un « doux embarquement » et la vie paraît « comme une tapisserie / peinte de toutes couleurs / La rive est toute fleurie / de mille et diverses fleurs » . Mais bien vite on se rend compte qu’il s’agissait « d’une espérance vaine » , on est emporté par des « flots pernicieux » et par une « tempête cruelle » , et on se jure alors de ne plus s’y laisser prendre. Jusqu’à la prochaine fois, en tous cas.
Me voilà hors du naufrage
de cet amour insensé
Je veux devenir plus sage
et me rire du passé.
Fasse amour ce qu’il voudra,
jamais ne me reprendra. »