Joe Dassin était le prototype du chanteur de variétés que dans mon milieu social on met un point d’honneur à juger avec une certaine condescendance. Tellement Guy Lux, tellement peu rive gauche…
Quand un petit-bourgeois comme moi, plutôt féru de « culture « légitime » (comme on dit dans la sociologie bourdieusienne), surmonte cet a priori et confesse qu’il apprécie un titre de « variété française » , il ajoute souvent que c’est un « plaisir coupable ». Mais pourquoi donc serait-ce coupable d’avoir du plaisir en écoutant de la musique? Plus le temps passe, et plus j’aime entendre et fredonner des chansons comme « Elle est d’ailleurs » de Pierre Bachelet, « La balade des gens heureux » de Gérard Lenorman, « D’aventures en aventures » de Serge Lama, « En attendant ses pas » de Céline Dion…
Un jour j’ai vu un extrait d’interview de Joe Dassin, je l’ai trouvé tranquille et réservé, et j’ai pensé qu’il gagnait sans doute à être connu en tant qu’humain, que c’était sûrement un ami sensible, attentif et fidèle.
En tant qu’artiste, il était aussi humble qu’un boulanger qui fait du bon pain ou un menuisier qui fabrique des beaux meubles. C’est « de la bonne facture » ou « du travail honnête » , comme on dit pour gratifier un artisan.
Dans cette chanson par exemple, la mélodie est agréable et les paroles sont romantiques à souhait: s’adressant à la femme qu’il aime, pensant à tout le chemin qu’il a parcouru pour arriver jusqu’à elle (« Au temps que j’ai passé à te chercher » ), touché par son innocence qui lui donne envie de veiller sur elle, de la choyer et de lui rendre la vie joyeuse (« À la petite fille que tu étais / À celle que tu es encore souvent » ), allègre et confiant à l’idée du bonheur qui les attend (« Aux souvenirs que nous allons nous faire » ), un homme lui adresse une déclaration timide et tendre.
Dans ce texte, j’aurais juste envie de remplacer deux syllabes par une troisième, ce qui à mon avis rendrait le refrain beaucoup plus émouvant. Si vous connaissez cette chanson, vous reconnaîtrez tout de suite la Greg touch.
Ne change rien mon coeur, reste telle que tu es, et plutôt 42 fois qu’une.
« À la façon que tu as d’être toi »