The National – « I need my girl »

Ce soir, c’est encore une chanson parmi mes préférées (peut-être bien dans mon top 10), avec cette merveilleuse pépite toute en retenue, en pudeur et en douceur, et pourtant d’un romantisme enflammé – tout ce que j’aime.

Rien que le titre me ravit, et il est si explicite qu’on pourrait s’arrêter là. Mais comme je ne peux pas m’en empêcher, je vais quand même en dire un peu plus sur « I need my girl » .

Les paroles, comme souvent chez les new-yorkais de The National, sont assez énigmatiques, elles sautillent d’un souvenir à une émotion, et elles font confiance à l’auditeur pour retisser les fils.

Ici il s’agit d’un homme qui entre dans la maturité, qui pense à différents moments vécus avec l’amour de sa vie, et qui se rend compte qu’il lui suffit de s’en souvenir pour être rempli d’une inépuisable tendresse à son égard. Un jour par exemple, elle a conduit enivrée, la voiture a fini dans le jardin, et elle s’en est extraite en ne cessant de répéter qu’elle était désolée: il en a peut-être été agacé sur le moment, mais aujourd’hui il n’y voit plus qu’une marque de sa douce folie.

Ce que dit Matt Berniger, avec sa voix grave et profonde de crooner tourmenté, c’est que quand on a trouvé son âme sœur, cet autre qui nous enchante, on n’arrive pas à s’habituer totalement aux émotions qu’il génère en nous. Cette âme soeur, il lui suffit d’exister pour nous faire nous sentir tout timide et désarmé: « I keep feeling smaller and smaller » .

Musicalement, le registre est là aussi celui de l’intense délicatesse. Un arpège lumineux de guitare revient tout du long comme un léger « ding dong » , la batterie est légère…

Au-delà de la musique et des paroles si romantiques, je succombe à la simplicité et la classe du clip tourné en noir et blanc, comme pour souligner le clair-obscur des sentiments, le contraste entre la fièvre et la mélancolie.

Tout au long de cette vidéo, la caméra observe avec pudeur une succession de couples habillés en tenue de soirée qui dansent doucement, tendrement enlacés l’un avec l’autre, les regards plongés l’un dans les yeux de l’autre, la tête de l’une posée sur l’épaule de l’autre, esquissant parfois un mouvement du bras ou un léger pas de côté, caressant lentement le dos de leur partenaire… Regardez la séquence qui démarre à 1’02, elle illustre pour moi la bouleversante beauté de ce que cela peut donner.

Ce qui m’émeut le plus dans ces images, c’est la délicatesse, le soin que les uns et les autres prennent à s’accorder l’un à l’autre, à être à l’écoute de l’être qui partage leur vie, à lui manifester tout l’amour qu’il ou elle mérite, à la fois à travers les gestes et les regards.

J’aime aussi la sérénité qui se dégage de ces couples: voilà des personnes qui se sentent pleinement en sécurité l’une avec l’autre, et qui peuvent alors s’abandonner.

À mon avis, il ne peut pas y avoir d’amour à la fois profond et durable sans la décision d’abattre ses défenses, de baisser le pont-levis, de se mettre totalement à nu devant l’autre et de s’en remettre à lui. Mais cela exige une absolue confiance en sa bienveillance, parce qu’on sait et on a expérimenté qu’avec cet autre on est en paix, on sait et on a expérimenté qu’avec cet autre, rien, absolument rien ne peut nous arriver de grave.

Inversement, je crois qu’il ne peut pas y avoir d’amour profond et durable sans une attention constante au vécu et aux émotions de l’autre, sans une volonté résolue de toujours accorder à son ressenti l’importance qu’il mérite, de se dédier à lui et d’être toujours, toujours, toujours prêt à répondre présent s’il a besoin d’aide, de réconfort et d’affection.

Dans ce clip, la plupart des couples qui dansent sont jeunes et au début de leur vie et de leur idylle, mais il y en a un, à 2’33, dans lequel les deux amoureux sont « plus près des chrysanthèmes que des dragées » , comme le dit joliment mon voisin Jean-Claude. Je trouve ces vieux amants encore plus émouvants. Le choix d’insérer ce couple dans le casting redouble celui de parler aussi, dans le texte, de la famille, d’un enfant qui a grandi… Ce n’est pas d’amourettes qu’il s’agit ici, mais de relations dont on peut dire que ce sont celles d’une vie, de celles dans lesquelles on dit qu’on veut « vieillir ensemble » et qu’on s’engage à tout faire pour qu’elles se prolongent jusqu’au bout.

D’ailleurs à partir de 2’43, un lent travelling arrière fait apparaître tous ces couples, qui forment alors une ronde de danseurs. C’est comme si se déployait sous nos yeux toute une vie amoureuse, c’est magnifique, et c’est bouleversant.

Heartbreaking.

Il y a une dernière chose qui fait que cette chanson m’émerveille et me chavire, et ce n’est pas la moindre: mon garçon, qui a démarré la guitare sur le tard, aime en jouer les arpèges délicats. J’ai une petite vidéo où il est assis, de dos, sur les marches de ma terrasse, dans la fraîcheur du matin, en train de travailler ce morceau. Je la regarde parfois, et à chaque fois je fonds.

« There’s some things that I should never

laugh about in front of family »

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *