Gérard Manset – « Avant l’exil »

Sortie en 1989 sur son quatorzième album « Matrice » , « Avant l’exil » est l’une de mes chansons préférées de Gérard Manset, parce que la thématique qu’elle aborde (les séparations) m’a toujours énormément secoué, mais aussi pour la vigueur sèche et nerveuse des guitares, pour sa construction impeccable, pour la montée en puissance dans les refrains…

C’est une chanson qui décrit les interrogations et les affres générés en nous par les départs – pour fuir quoi, pour trouver quoi, pour rejoindre qui, pour quoi faire?

Que cherche-t-on à l’horizon lorsqu’on veut partir? A-t-on envie d’éprouver un sentiment de liberté (on se sent « le loup sans son collier / l’arbre sans son espalier » )? Veut-on trouver ailleurs le repos et la paix (« Le dessin dans la forme d’une maison » )? Espère-t-on que là-bas au moins on aura des chances de « guérison« ?

« Avant l’exil » décrit plus puissamment encore la sensation d’arrachement qui nous assaille lorsqu’on est sur le point de « tout quitter » : « on jette un dernier regard sur sa ville » et on pressent que quelque chose nous retient encore et donnera au départ quelque chose de douloureux. La peur de l’inconnu, dans tous les cas ou presque, et ce quand bien même le départ est ardemment attendu comme une délivrance devant laquelle on a trop longtemps hésité. Quand on y a vécu des moments heureux, on est aussi retenu par des lieux auxquels on est attaché (« Le secret que personne ne sait, / c’est qu’on est né ici / et qu’on sait ce qu’on va laisser, / alors on reste assis » ), par des souvenirs… et par les personnes qui les peuplent, avec qui on a grandi, dont on est parfois issu (« Et là-bas, sur le bord du quai, / comme la flamme d’un briquet / dans une main qui tremble, / ce visage, on le connaît, / il nous ressemble » )…

Quant au refrain, implacable et froid, il décrit la sensation d’isolement et l’effroi qui peuvent nous envahir juste après l’exil: « Mais quand le sable a quitté le sablier, / que le marbre et la pierre se sont brisés, / que le chêne a fini quand même par retomber, / on se retrouve comme on est né, à nouveau dans un monde damné / sans rien ni personne pour nous aider. » Beaucoup de personnes sont si effrayées par la perspective du changement qu’elles l’imaginent sous cette forme menaçante et qu’elles préfèrent donc renoncer à « tout quitter » : elles se résolvent à survivre dans leur pauvre quotidien, quitte à passer à côté de magnifiques opportunités de voyages, d’expériences et de rencontres – quitte à mourir à petit feu.

Malheureusement, il m’est très souvent arrivé de m’accrocher à l’étriqué, et ça m’arrive encore.

Il est temps maintenant de laisser entrer l’aventure dans ma vie, et advienne que pourra.

« Faire rouler dans ma main en pensant à demain / quatre châtaignes dans ma poche de manteau » . Quatre, plus deux qui font six.

« Juste avant l’exil,

que cherche-t-il vers l’horizon?

Le dessin dans la forme d’une maison,

ou peut-être la guérison »

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