J’aime beaucoup les comptines et les berceuses, sans doute par réminiscence de celles que chantait ma maman quand j’étais petit, et aussi parce que j’en ai parfois chanté à mes enfants pour les aider à s’endormir, surtout lorsqu’ils étaient nourrissons, dans mes bras. Et il n’y a pas grand-chose qui m’émeuve davantage qu’un petit enfant qui s’abandonne paisiblement au sommeil.
Henri Salvador a chanté beaucoup de berceuses, dont la plus célèbre est « Le loup, la biche et le chevalier », l’une de mes chansons fétiches, qui me relie irréductiblement à ma fille Aurore et qui me bouleverse tant que je ne peux pas la chantonner sans sentir ma gorge qui s’étrangle.
« L’abeille et le papillon » est très touchante aussi, surtout, je trouve, dans cette version réorchestrée où la voix chaude d’Henri Salvador fait merveille.
Elle raconte l’histoire d’une pauvre chenille qui tente d’attirer l’attention d’une abeille, vainement, car l’abeille est trop accaparée par l’odeur et les couleurs des fleurs de bruyère et par le doux soleil du printemps. « Je vous aime » , lance la pauvre chenille en pleur, « mais l’abeille là-haut, tout là-haut, / n’entendait pas un mot » .
Après de longs jours de chagrin, la chenille se réveille un matin transformée en papillon. Alors elle s’élance à son tour vers le ciel, et elle parvient enfin, miracle, à obtenir de l’abeille le regard énamouré qu’elle espérait: « Et sur une bruyère en fleur, / notre abeille a donné son cœur, / tandis que chantaient les grillons, / au petit papillon. »
Cette berceuse est une chanson d’amour qui se clôt par un happy end, ce qui n’est pas très fréquent: « Par les bois, les champs et les jardins, / se frôlant de leurs ailes, / ils butinent la rose et le thym / dans l’air frais du matin« . J’ai bien envie de croire à cette leçon, dont j’expérimente de plus en plus en souvent la vérité profonde:
« Ma petite histoire est finie
Elle montre que dans la vie,
quand on est guidé par l’amour,
on triomphe toujours. »