Comme son nom de l’indique pas, Autour de Lucie est un groupe dans lequel ne figure aucune Lucie: il a été créé en 1992-93 par la chanteuse et guitariste Valérie Leulliot.
Après deux premiers albums assez sombres et fortement marqués par les guitares électriques, qui lui ont valu un joli succès d’estime en France et même aux États-Unis, Autour de Lucie sort en 2000 « Faux mouvement », un disque fortement marqué par le trip hop, un genre musical que j’aime et que j’écoute de plus en plus.
Ce troisième album s’ouvre en majesté avec cette magnifique chanson, que j’ai écoutée en boucle des dizaines de fois lorsque je l’ai découverte, il y a quelques mois. Lente, atmosphérique et envoûtante, emmenée par une batterie sèche et lancinante qui me rappelle certains titres de Portishead, emplie de riffs de guitare acoustique et de petits gimmicks joués par une guitare électrique toute tremblante, « Je reviens » me touche et m’emporte, notamment grâce à l’orchestre de cordes langoureux qui enfle et qui monte superbement en puissance à deux reprises, notamment à 4’43.
Le texte, désolé mais élégant, parle d’une forme de dépendance affective qui empêche de renoncer à un amour toxique bien qu’on sache pertinemment qu’il fait beaucoup plus de mal que de bien (« Tu n’as même pas vu que j’étais partie, alors / je suis revenue, / comme on rentrerait au port, / fatiguée de passer par-dessus bord » ).
La voix douce et presque naïve de Valérie Leulliot comprend un certain soupçon de lassitude qui laisse penser qu’il y a quelque chose de douloureux dans cette reddition.
Mais peut-être y a-t-il aussi en elle une part qui, déjà, est en train de faire son deuil de cette relation, et qui rêve de fuir le théâtre du naufrage et de regagner la terre ferme pour se reconstruire, revivre et nouer d’autres liens, ailleurs. C’est en tous cas ainsi que j’ai envie d’interpréter ces deux vers qui me vont droit au coeur, parce que moi aussi j’ai été porté disparu pendant bien trop longtemps, et parce qu’aujourd’hui je n’ai plus envie de revenir au port: j’ai plutôt envie d’en rejoindre un autre.
« On a déjà vu la mer rendre certains corps
qu’on avait dit portés disparus«