L’écologie vue par l’extrême-droite

Depuis son émergence dans les années 1970-80, l’écologie politique s’est pensée elle-même comme un courant idéologique et militant qui allait reconfigurer tout l’espace politique au autour d’un nouveau clivage entre d’un côté les partisans du productivisme, de la domination des humains sur la nature, de l’extractivisme, etc., et de l’autre côté celles et ceux qui entendent mettre au centre des priorités la préservation des écosystèmes, de la biodiversité, de l’habitabilité de la planète.

Pendant des décennies, les mouvements associatifs et politiques de l’écologie politique ont essayé d’imposer ce nouveau clivage comme étant beaucoup plus fondamental que ceux issus de la lente construction de l’État (rural / urbain, cléricalisme / laïcité…) ou de la révolution industrielle (lutte des classes).

Longtemps, les thématiques environnementales ont été la chasse gardée de l’écologie politique, celles qu’on lui refilait avec dédain quand elle était invitée dans les Assemblées ou au gouvernement.

Mais aujourd’hui, l’état de la biosphère est tellement dramatique, l’effondrement écologique est tellement spectaculaire, que l’enjeu écologique est en train d’être travaillé (ou récupéré) par tous les courants politiques.

Même l’extrême-droite s’y met, bien sûr.

Mais quand on étudie en détail le contenu de ses propositions sur le sujet, on ne peut qu’être atterré par leur bêtise crasse, par leur simplisme, par leur mépris de la science, par leur méconnaissance totale des liens entre la crise écologique et les diverses formes de domination sociale, par leur racisme et leur anthropocentrisme décomplexés…

Les propositions du Rassemblement national sur l’écologie sont un « mélange d’agrarisme et de technosolutionnisme. Avec une idée fixe: s’opposer à toute mesure contraignante face au changement climatique. »

D’un côté le RN cherche, selon un cadre de son groupe parlementaire, à « réveiller la fracture » entre les urbains et le monde rural et périurbain, qui constitue le gros de son électorat. Après avoir longtemps défendu le « localisme », il met aujourd’hui en avant une « écologie du bon sens », opposée à la prétendue « écologie punitive ». Selon Marine Le Pen, « l’idéologie [des écologistes], c’est la lutte contre l’humain » (mon dieu quelle est stupide et ignare), tandis que celle du RN défend les « traditions », la façon soi-disant harmonieuse dont les humains exploitent la nature, le droit à vivre « comme on l’a toujours fait » sans se faire emmerder par les bobos – le droit au barbecue, à la corrida et à la chasse à la glu.

L’écologie à la sauce du RN, c’est aussi le all-in sur le solutionnisme technologique, sur le nucléaire, la voiture électrique, le moteur à hydrogène, la capture du carbone, l’écologie industrielle, etc. C’est la croyance que la solution à la crise écologique (d’ailleurs réduite à la seule dimension du changement climatique) est entre les mains des ingénieurs.

Cette foi dans la technique va paradoxalement de pair avec un discours souvent complotiste vis à vis du GIEC, avec un mépris total à l’égard de tout de que peuvent dire les agronomes ou les écologues à propos des désastres causés par la société industrielle. Sur tous les sujets liés à l’écologie (l’agriculture, l’eau, la biodiversité, etc.), le discours du RN est un gloubiboulga de n’importe quoi.

L’écologie du RN, c’est enfin la négation du fait que la richesse de l’Occident s’est construite sur l’exploitation coloniale, sur le pillage des ressources des pays du sud, sur la coupure ontologique entre l’humain et la nature.

J’ai longtemps espéré que la prise de conscience de la crise écologique se fasse de façon large.

Mais je dois dire que la façon dont l’extrême droite s’en saisit me fait carrément dégueuler 🤮

[Je précise que je parle ici des dirigeants politiques et des idéologues du RN, pas de son électorat.

Il y en France une bonne dizaine de millions de personnes qui sont plus ou moins séduites par le discours de ce parti. C’est comme ça.

Bien souvent, ces personnes sont serviables et solidaires, plutôt ou très sympathiques. Elles sont souvent dotées de compétences variées et nombreuses qui, dans un monde effondré, seront plus utiles que la plupart des miennes (et c’est particulièrement vrai dans les campagnes).

Que ça plaise ou non, on ne réussira pas sans ces personnes à transformer un crash catastrophique en atterrissage.]

https://www.lemonde.fr/politique/article/2023/08/13/l-ecologie-ce-nouveau-clivage-politique-que-le-rassemblement-national-compte-exploiter_6185278_823448.html?fbclid=IwY2xjawImpOBleHRuA2FlbQIxMQABHdpPaYb8P_QxYIApPeIsvuqhhdhPOUSDWBlIN6FhIvH71udZ3lehq3AybA_aem_zt1vTNOzyISxQn9CgPyN5Q#xtor=AL-32280270-%5Bdefault%5D-%5Bandroid%5D

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