Ce joyau déchirant est LA chanson par excellence de l’adolescence, la vraie, celle qui transforme et marque à jamais – l’adolescence souffrante et frémissante, rebelle et enfiévrée, révoltée et vulnérable, complexée et fière, frustrée et romantique.
Malgré un titre porteur d’espoir, la chanson est d’une tristesse sans fond, aussi désenchantée que désespérée, mais cette détresse est chantée par Morrissey avec une grâce et une élégance hors du commun.
L’histoire que raconte « There is a light that never goes out » est banale au fond, mais elle est ici vécue et racontée avec une intensité rare. C’est l’histoire d’un jeune homme qui n’est plus le bienvenu chez lui – ou plutôt chez ses parents (« It’s not my home, it’s their home / and I’m welcome no more » ). Ce jeune homme ne pense alors qu’à une seule chose: se barrer le plus loin possible, n’importe où, et ne plus jamais remettre les pieds dans cette maison (« Oh, please don’t drop me home » ).
Dans la vie de ce garçon, quelqu’un lui offre une porte de sortie en dehors de cet univers familial étouffant et rejetant. Cette personne salvatrice, le jeune homme en souffrance espère qu’elle va non seulement ensoleiller sa vie (« Take me out tonight / where there’s music and there’s people / And they’re young and alive » ), mais carrément le rendre à la vie (« Take me out tonight, / because I want to see people / and I want to see life » ).
Pour le jeune homme qui chante, cette personne avec laquelle il s’échappe est une telle planche de salut qu’il s’en remet totalement à elle, qu’il remet sa vie entre ses mains: son existence est si triste qu’il préfère encore mourir à ses côtés…
Morrissey chante tout cela d’une voix angélique, aussi bouleversante quand il monte dans les aigus, dans les refrains, que lorsqu’il descend dans les graves, dans les couplets ensevelis sous une colère et un chagrin invincibles.
Musicalement, « There is a light that never goes out » est une chanson très ouvragée. Elle démarre par une note jouée à la guitare qui résonne brusquement, comme une sorte de carillon qui signale qu’on entre dans un rêve. La composition de Johnny Marr est d’un lyrisme magnifique, notamment dans les refrains où les cordes s’élèvent pour signifier le désir de légèreté et d’insouciance du jeune homme. Et la chanson finit sur un fade-away aussi superbe qu’original, dans lequel la voix de Morrissey s’efface peu à peu derrière un mélange de synthés et de flûte…
« There is a light that never goes out » est le témoignage d’un rêve éveillé que tous les adolescents, sans doute, ont fait au moins une fois dans leur vie (« Emmène moi et offre moi une vie toute autre! » ). Bientôt quarante ans plus tard, le rêve est toujours aussi fort, et j’aime tout aussi passionnément cette chanson à la cruelle beauté.
« And if a double-decker bus
crashes into us,
to die by your side
is such a heavenly way to die
And if a ten ton truck
kills the both of us,
to die by your side,
well, the pleasure, the privilege is mine »