Eurythmics – « Here comes the rain again »

Les années 80 sont celles où les synthés ont commencé à être massivement utilisés, souvent avec l’ardeur des néophytes, générant chez beaucoup d’artistes ou de groupes à la mode des morceaux très pauvres, à la production clinquante et aujourd’hui assez datée.

Mais quelques groupes ont réussi à se jeter avec délices dans le bain de la musique électronique tout en produisant des chansons inventives et subtilement arrangées, qui ont obtenu un grand succès commercial ET qui tiennent encore fièrement la route quelques décennies plus tard. Un jour je parlerai par exemple de Tears for fears, mais aujourd’hui c’est au tour de Eurythmics.

Ce groupe londonien était un duo composé d’Annie Lennox et de Dave Stewart. Il a connu plusieurs périodes, oscillant entre les diverses ramifications de ce qu’on appelle en France la new wave (il paraît qu’au Royaume Uni personne ou presque n’utilise cette formule). Dans les premières années, Eurythmics a développé une synthpop au son froid, puis il s’est progressivement ouvert à des influences RnB ou rock, notamment sur l’album « Revenge ». Le point commun à tout cela, c’est le talent de mélodiste, d’arrangeur et de producteur de Dave Stewart, ainsi que la voix d’Annie Lennox, singulière, puissante et charismatique, aux sonorités soul. La splendide beauté de la chanteuse, son regard fier et intense, son look androgyne avec ses cheveux orange coiffés « à la garçonne » , ont aussi fait beaucoup pour le succès de Eurythmics (c’était largement mis en scène dans les clips, qui prenaient alors beaucoup d’importance car la chaîne musicale MTV venait d’apparaître).

Eurythmics a été une vraie machine à tubes, et pour ma part ma chanson préférée est ce « Here comes the rain again » (sorti en 1983 sur l’album « Touch »), à la beauté sombre et flamboyante.

Ce morceau ambitieux a été enregistré avec le British Philharmonic Orchestra, qui mélange des vagues de cordes, des pizzicati de violon et de nombreux effets de synthés. L’atmosphère musicale créée par Dave Stewart sur une tonalité mineure a quelque chose de vaporeux et d’étouffant: il voulait évoquer ces moments où on ne sait pas bien si on est simplement dans une période mélancolique ou si on est en train de glisser dans une humeur plus durablement ténébreuse. Dans une interview il a expliqué que la pluie qui s’annonce est au fond une métaphore de la spirale descendante, voire de la dépression – et de la dépression qu’on a déjà connue (« Here comme the rain again » ), à laquelle on pense encore en tremblant, et qu’on sent s’approcher avec des frissons dans tout le corps, en se demandant ce que cette fois-ci elle va nous réserver, si elle ne va pas de nouveau nous démembrer intérieurement (« tearing me apart like a new emotion » ).

Mais dans cette même interview, Dave Stewart ajoute que même dans ces moments où la tragédie semble être à nouveau sur nos talons, on peut essayer de se dire qu’il y a quelque part une trouée de lumière, une porte de sortie vers un état d’esprit plus tranquille et joyeux, notamment grâce à l’amour (« So talk to me / like lovers do » ).

J’aime beaucoup cette chanson, cette musique et ces paroles dont il émane une impression d’errance et d’envahissement, la sensation de tourner autour de la dépression qui exerce une attraction fatale mais à laquelle on s’efforce de résister. Difficilement certains jours, mais enfin tant qu’on est vivant, c’est la preuve qu’on y arrive, vaille que vaille…

« I want to breathe in the open wind

I want to kiss like lovers do,

want to dive into your ocean

Is it raining with you? »

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