L’histoire de la musique populaire fourmille de groupes qui ont fait quelques albums de trop, ou pire encore qui se sont reformés après des années de séparation et dont le retour a été au mieux dispensable, au pire carrément navrant. Malheureusement, quand les vieilles gloires du rock ou de la pop tentent un come-back, c’est plus souvent pour ramasser de quoi se refaire financièrement après avoir brûlé la chandelle (ou pour payer leurs impôts) que parce qu’elles ont dans leurs cartons des tonnes d’inspiration à offrir…
Slowdive est l’exemple d’un groupe qui, au contraire, a eu bien raison de persévérer, car le groupe anglais de Reading a conservé toutes ses qualités au fil des années – on est même beaucoup à estimer qu’il est comme le bon vin et qu’il s’est encore amélioré à l’occasion de ses deux reformations, en 2017 avec l’album « Slowdive » (après douze ans de silence), puis en 2024 avec le formidable « Everything is alive ».
Au début des années 1990, Slowdive était l’un des groupes les plus emblématiques du mouvement shoegaze, que plus tard on appellera plutôt dreampop (personnellement je trouve que ce deuxième qualificatif lui correspond bien mieux). Il offre une musique dont les aspérités sont lissées, avec beaucoup d’effets de guitare et des voix éthérées – une électro mélancolique, vaporeuse, planante, cotonneuse, léthargique, parfois lascive, propice à plonger les adolescents mal dans leur peau dans une fantasmagorie délicieuse ou poignante, selon leur humeur.
J’ai déjà chroniqué l’année dernière un titre du dernier album de Slowdive, le merveilleux « Kisses », catchy et entraînant à souhait.
Ce soir je vous fais découvrir, si vous ne connaissez pas ce groupe majeur, un deuxième extrait de son dernier disque. Fantastique morceau qui ouvre l’album, « Shanty » commence par une longue introduction électro / ambient qui aurait pu être utilisée comme bande originale pour un film de science-fiction, par exemple pour accompagner le décollage d’un vaisseau spatial dans « Interstellar », dans « Bienvenue à Gattaca » ou dans « Andor » (l’excellente série de la saga Star Wars). Au bout de 45 secondes, le brouillard de synthétiseurs est déchiré par des guitares distordues qui rugissent brièvement, puis l’espace sonore est envahi par une batterie, une basse et des synthés à la fois plus puissants et plus planants, et par les murmures chantants de Rachel Goswell et de Neil Halstead. Le morceau glisse quelques minutes sur son rythme de croisière, puis il s’apaise doucement, avec ici ou là quelques notes de claviers qui surplombent les nappes mélodiques entremêlées.
« Shanty » est un morceau dont la mélancolie s’étire et s’insinue, comme un filet d’eau se divise et se répand dans un réseau de canalisations en pente douce. Un morceau qu’on absorbe, qu’on incorpore et qui se mélange à l’intérieur de soi.
Il y a des chansons que l’on aime écouter en roulant la nuit avec les fenêtres ouvertes. Celle-là donne plutôt des envies d’envol, des envies de tout lâcher, de fuir ce monde de tarés qui se fracasse en toute inconscience, de laisser derrière soi la laideur, la bêtise, la lourdeur… Des envies de se laisser flotter là où les éléments nous emporteront.
De la légèreté, par pitié, de la légèreté.
Comme je l’ai mentionné, le titre de ce dernier album de Slowdive est « Everything is alive ». De fait, ce groupe et sa musique sont encore vivants et bien vivants, et j’attends avec impatience et confiance leur prochain opus.
« I feel like change will come »