Comme le dit l’historien des sciences Robert Proctor, professeur à l’université Stanford (Californie), l’administration Trump a déclaré la « guerre » à la science du climat et de l’ environnement, si bien que « Nous entrons dans un âge d’or de l’ignorance ». Valérie Masson-Delmotte, la paléo-climatologue et ex-coprésidente du groupe 1 du GIEC, voit elle aussi dans les décisions de cette administration depuis un mois une marque d’ »obscurantisme » (« Pour cette administration, les faits scientifiques sont dangereux, il faut les faire taire. » )
Les exemples de cette guerre contre les sciences du climat et plus largement de l’environnement sont nombreux et graves: « Subventions gelées, rapport sur la nature censuré, coupes budgétaires… »
Par exemple, lorsqu’on essaye de se connecter sur la page consacrée au changement climatique de la Maison blanche, on tombe aujourd’hui sur une « erreur 404 ». Même chose quand on clique « sur les portails et sections liés à cette thématique sur les sites du département d’Etat, de la défense, des transports ou de l’agriculture. Ils sont évaporés. Sur le site de l’Agence de protection de l’environnement (EPA), la partie sur le changement climatique n’est plus accessible sur la page d’accueil, ni dans les onglets sur les « sujets environnementaux ». »
Mais il n’y a pas que le climat. « Symbole de cette offensive tous azimuts, le National Nature Assessment, la première évaluation systématique sur l’état des terres, de l’eau et de la biodiversité, a vu sa production stoppée par l’administration Trump. Ses 180 auteurs étaient sur le point d’achever une première version, après des milliers d’heures de travail. Faute d’explication officielle, Howard Frumkin, l’un d’entre eux, en est réduit à des conjectures. « C’est peut-être parce que nous abordons la question de l’équité sociale et montrons que certains groupes, comme les personnes pauvres ou âgées, ont moins d’accès à la nature que les privilégiés » ».
Pour quiconque a en même temps une forte sensibilité à l’effondrement écologique en cours et une formation scientifique, ce que l’administration Trump est en train de réaliser, dans ce domaine comme dans quasiment tous les autres, est une catastrophe absolue. Heureusement les scientifiques ne se laissent pas intimider, malgré les conditions de travail chaotiques et menaçantes qu’on leur impose:
« L’Environmental Data and Governance Initiative (EDGI), un groupe de chercheurs qui documente les modifications apportées en ligne aux données fédérales sur l’environnement, indique avoir archivé 37 bases de données sur 57 identifiées comme prioritaires et recréer des programmes informatiques, également supprimés, qui permettaient d’analyser ces datas. « Cette sauvegarde est essentielle car la démocratie exige un engagement civique significatif, qui dépend de la disponibilité et de l’accessibilité de l’information », juge Lourdes Vera, membre de l’EDGI.
Quant aux auteurs du National Nature Assessment, ils ont unanimement décidé de le publier en tant que document non gouvernemental. « De nombreux éditeurs de revues et de livres nous ont proposé de l’héberger. On pourra produire un rapport sans restrictions et donc avec plus d’impacts », avance Howard Frumkin. »