The Feelies – « Loveless love »

Habituellement je n’écoute quasiment jamais de musique punk (sauf celle de The Clash, mais c’est tellement hybridé avec autre chose que du punk que ça n’en est plus vraiment, musicalement s’entend…). Mais voici un morceau d’un groupe américain qui se situe dans cette filiation, et que je trouve assez époustouflant.

Très influencés par la scène arty de New-York et par des groupes comme Television et le Velvet Underground, les quatre jeunes gens aux têtes d’étudiants en informatique qui composent The Feelies se sont d’abord taillés une belle réputation dans la scène underground de la grosse pomme (ils venaient de l’état voisin du New-Jersey), avant de sortir en 1980 un premier album que beaucoup considèrent comme un bijou et un classique du post-punk. De fait on y trouve la fougue et la rage propres au punk, des riffs qui giclent avec teigne et une rythmique parfois éreintante (d’ailleurs le titre du disque est « Crazy rythms » , et son premier morceau s’intitule « Boy with perpetual nervousness » ). Mais les Feelies y incorporent beaucoup d’exigence et de complexité dans les mélodies et les arrangements: si c’est du punk, il n’a rien de débraillé ou de sauvage, au contraire il est savamment construit, et même ouvragé.

Troisième morceau de l’album, « Loveless love » est une chanson assez magistrale.

Elle commence tout doucement, sur la pointe des pieds, avec des guitares timides et délicates. Mais lentement, presque imperceptiblement au début, puis plus nettement après un bref riff de guitare à 1’39, le rythme s’accélère, le volume est poussé vers le haut. Plusieurs fois on croit que le morceau va partir, que ça y est les chevaux sont prêts à être lâchés, mais non, ça repart dans une autre direction, et ça recommence à piaffer, jusqu’à l’entrée en scène de la voix à 2’36. Alors la chanson devient une magnifique cavalcade, avec deux guitares véloces qui se tirent la bourre, des notes qui virevoltent et qui parfois se font un peu crades, une batterie frénétique et infatigable. C’est si tendu qu’on a l’impression que le groupe est en train de fuir en pleine rue pour échapper à un danger effrayant, au sujet duquel de brefs choeurs donnent l’alerte.

Tout au long du morceau, on sent l’urgence et l’intensité caractéristiques du punk, mais aussi une mise en musique de l’émotion que certains ont comparé à « Heroin » du Velvet Underground.

Et finalement, après des montées et des descentes vertigineuses à la guitare (une simple montée/descente d’octave répétée six fois), qui évoquent les fameuses « montagnes russes émotionnelles » , tout cela ça se termine comme au terme d’un 400 mètres, les mains sur les genoux et la poitrine en feu, dans un léger nuage synthétique qui semble indiquer que le calme est revenu et qu’il est temps de reprendre son souffle.

« You made your offer

a little too soon »

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