Avec « Solitude des latitudes », sorti sur le disque « Matrice » en 1989, Gérard Manset explore un genre musical inhabituel pour lui, et qui tranche avec le reste d’un album aux sonorités plutôt dures et urbaines (« Camion bâché » , « Fille des jardins » , « Matrice » …): c’est une berceuse pleine de délicatesse et de sérénité.
Dans les couplets, l’orchestre est dominé par des cordes et une guitare sèche tout aussi douces l’une que l’autre (un peu comme sur l’album « Royaume de Siam », qui est pour moi une splendeur du début à la fin), et Manset prend le risque d’explorer sa voix de tête. Je suis notamment transporté par la phrase musicale sinueuse jouée au violon, qui démarre à 4’46 et qui s’envole par plusieurs battements d’ailes vifs et élégants…
Même si la musique s’anime un peu dans les couplets, « Solitude des latitudes » décrit merveilleusement la paix et le soulagement que l’on éprouve lorsqu’on est enfin loin de l’agitation du monde, lorsque « la nuit semble douce et magique » , lorsqu’on peut s’abandonner à la rêverie (« Carthage et ses éléphants » ), lorsque les lectures enchanteresses de l’enfance remontent à la surface (« Ça ressemble aux Amériques, / ce qu’on lit quand on est enfant, / Belliou-la-fumée, Croc Blanc » ).
Quelques poussées d’inquiétude peuvent encore faire tressauter de temps en temps, mais l’heure est à l’apaisement et au soulagement. Enfin.
« La nuit semble douce et tranquille,
mais tu trembles, que t’arrive-t-il
Solitude et feu qui s’éteint
Coup de feu dans le lointain.«