Björk – « Heirloom »

J’adore les morceaux qui mettent longtemps à venir, dont les introductions sont longues, lentes et progressives, avec l’arrivée échelonnée des instruments et de la voix, et qui, lorsque tous ces ingrédients sont enfin réunis, se transforment en quelque chose de magique. « Starway to heaven » de Led Zeppelin, par exemple, ou « All cats are grey » de The Cure, ou « Leave them all behind » de Ride, ou « Consequence » de Notwist.

Extraite du splendide cinquième album de la farouche islandaise (« Vespertine » , 2001), cette chanson en fait partie. Elle commence par une boîte à rythme rapide et légère, à laquelle s’ajoutent des percussions qui ressemblent au son d’une petite cuiller sur un verre et une longue nappe de synthé un peu stridente (à 0’10), puis des notes éparses de piano numérique (à 0’31), et enfin la voix de Björk à partir 0’52, et une ligne de basse puissante et ondulatoire qui me donne systématiquement envie de se trémousser sur le tempo effréné, où que je sois, dans ma cuisine, dans la rue ou dans un train.

Tout au long de « Heirloom », on entend aussi un drôle de crissement qui revient de façon régulière, à peu près à la même fréquence que ceux poussés par les jeunes chouettes effraies lorsqu’ils communiquent avec leurs parents pendant que ceux-ci sont à la chasse. L’été dernier j’avais réécouté cette chanson un soir, pile à la période où les juvéniles de chouettes effraies apprennent à voler: j’avais mis quelques secondes à discerner si ce son venait des enceintes ou du frêne en face de la fenêtre!

Comme sur le reste de l’album, le texte de Björk est très personnel et il évoque des tourments intimes, en l’occurrence ceux que l’on éprouve au moment de quitter les siens et du poids qu’ils font peser sur notre avenir (« you try your hardest to leave the past alone » , en luttant contre « the weight of family and the pull of gravity » ), ou quand on y repense après être parti pour faire sa vie, comme on dit.

« Heirloom », cela veut dire héritage. Celui que nous laisse Björk est précieux, notamment avec cette chanson et cet album, mon préféré de cette islandaise hypersensible et profondément émouvante.

« You are so much more than your father’s son

You are so much more than the wars you’ve won. »

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