Bruno Chaplot – « Face à la montée des eaux » (exposition d’aquarelles)

Mon ami Bruno Chaplot, qui habite tout près de chez moi (à Condat-sur-Vienne, c’est une petite ville de la banlieue de Limoges), est professeur de dessin, spécialisé dans l’aquarelle. Il est surtout connu pour être l’auteur d’une série de dessins souvent très drôles (si si…) sur l’effondrement écologique, intitulée « Les collapsonautes » .

Depuis quelques jours il expose dans le local de l’association où il enseigne, et vendredi il m’a invité au vernissage. J’y suis allé en vélo, il faisait chaud, mais je n’ai pas regretté de me déplacer.

D’abord j’ai eu le plaisir de le revoir, ce qui n’était pas arrivé depuis le dernier Festival de la décroissance à Saint-Maixent. Discuter sur un groupe Discord collapseoupacollapse, c’est sympa, c’est parfois même rigolo (malgré le sujet on arrive à bien se marrer…), mais ça ne vaut pas d’échanger en vrai et de découvrir sa famille, sa petite danseuse de modern jazz et son petit escrimeur.

Et pour ce qui concerne l’exposition, je dois dire que j’ai été assez scotché. Je suis au-delà de nullissime en dessin, et pour moi le fait que quelqu’un dessine d’instinct et à main levée quelque chose de proportionné et de beau relève du mystère – littéralement je ne sais pas comment font ces gens, et ça me fascine, le mot n’est pas trop fort. Or Bruno m’a expliqué qu’en aquarelle, on est contraint de peindre très vite et on ne peut pas reprendre ce qu’on a déjà peint, en tous cas on ne peut pas l’éclaircir. Obligé de réussir du premier coup 😯

Johan Christian Dahl, « Larvik by Moonlight », 1839 / Oslo, National Museum of Art

La fameuse comptine de Bobby Lapointe prétend que « la peinture à l’huile, c’est bien difficile, mais c’est beaucoup plus beau que la peinture à l’eau » . Mon avis de total béotien, c’est l’inverse. J’aime le côté fragile et évanescent des aquarelles, la quasi transparence des clairs, la délicatesse qui s’en dégage. C’est tout à fait le cas dans ces peintures de Bruno, où les ciels notamment sont magnifiques – ils m’ont rappelé ceux de Johann Dahl, un peintre norvégien méconnu que j’avais découvert en marge d’un congrès de science politique à Oslo en 1996 (ça ne me rajeunit pas…)

Pour cette série d’aquarelles, Bruno a choisi pour thème la montée des eaux et les positions que nous pouvons adopter face à ce phénomène. Le fil rouge de tous ces dessins, c’est la présence d’un jeune personnage (le plus souvent une fille mais parfois un garçon), qui porte toujours du rouge, comme la petite fille qui, dans « La liste de Schindler » , est le seul personnage coloré. Il m’a semblé que chaque aquarelle aborde l’une de réactions possible face à la montée des eaux, et plus largement face au changement climatique, voire face à l’effondrement écologique : une forme de détresse, la nostalgie des paysages qui ne sont plus ou qui bientôt ne seront plus, le désarroi ou le renoncement (ou l’acceptation?)… Dans certains dessins, c’est le courage qui domine, quand la jeune fille fait front, regarde la réalité bien en face et avec des yeux qu’on devine grands ouverts : il ne sera pas dit qu’elle aura baissé les bras et qu’elle n’aura pas fait le nécessaire pour réduire son impact sur le changement climatique, et pour s’y adapter. Il y a même des dessins dans laquelle j’ai discerné de la joie, en tous cas le plaisir enfantin de s’amuser avec l’eau, l’excitation de la rejoindre, de s’y baigner, de jouer à se faire peur au spectacle des déferlantes qui se fracassent contre les digues… Quoi qu’il en soit, le personnage prend toujours acte de ce phénomène qu’est la montée des eaux et il l’intègre à sa réalité, comme un fait avéré avec lequel il va bien falloir vivre.

Dans l’exposition, les deux aquarelles de Bruno que je préfère sont celle qu’il a choisi pour l’affiche, mais plus encore celle dans laquelle la jeune fille semble perdue au milieu d’une forêt de troncs verticaux et calcinés.

En la voyant, j’ai tout de suite pensé à Ravage de René Barjavel, car dans une des scènes de ce roman d’anticipation que mon professeur de français nous avait fait lire et travailler en sixième (et que j’ai relu il y a quelques années), le héros trouve refuge dans une rivière pour échapper à l’incendie apocalyptique qui est en train de ravager la France : il s’y immerge, il suffoque et il manque de se noyer, mais quand enfin l’incendie s’éloigne et il peut sortir de l’eau, le paysage est ravagé, et dans mes souvenirs, la description que Barjavel en fait alors ressemble assez bien à cette peinture: celle-ci pourrait tout à fait illustrer cette scène dans une version illustrée du roman.

Bravo Bruno, je suis sincèrement admiratif de ton travail, de la finesse et de la sensibilité de tes aquarelles.

L’exposition de Bruno va tourner un peu, dans un lieu culturel et de coworking de Limoges (le Phare), puis au Festival de la décroissance qui a lieu cette année encore à Saint-Maixent, et peut-être à Uzerche, à Grenoble… Je vais essayer de voir si la BU de la Faculté de Droit où j’enseigne pourrait l’accueillir. Si l’idée de faire venir les aquarelles de Bruno jusqu’à chez vous, dites le moi en commentaire, et je vous mettrai en relation !

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