Je ne connaissais rien au raï avant d’écouter cette chanson, et depuis lors je n’ai pas davantage exploré cette musique traditionnelle algérienne – enfin pas si traditionnelle que ça, puisqu’elle n’est apparue qu’au début du XXème siècle dans la région d’Oran, avant d’être modernisée dans les années 1970, puis internationalisée dans les années 1990. Voilà, merci Wiki 😉
Quant à cette chanson de Khaled, je n’en sais pas grand chose non plus, sinon qu’elle lui a valu une procédure judiciaire assez longue, car il a été accusé de l’avoir plagiée, et on n’a jamais vraiment su le fin mot de l’histoire.

Si je partage ce soir ce morceau, « Didi », c’est parce qu’il a été utilisé par le réalisateur italien Nanni Moretti dans l’une des scènes de son merveilleux « Caro diaro », mon film préféré. Nanni y joue son propre rôle, et tout au long du premier des trois chapitres de ce film, on le voit régulièrement en train d’arpenter en vespa les rues de sa ville de Rome, filmé de dos ou de face, en gros plan ou à distance plus respectueuse. Casqué et lunetté, Nanni flâne, il observe à droite et à gauche, il ralentit, il s’arrête pour faire quelques pas, il redémarre, il échange quelques mots avec des passants ou avec la danseuse Jennifer Beals, il s’incruste dans une chorale de rues, il parle de sa ville, il commente ce qui lui plaît ou l’émeut dans tel ou tel quartier, il rêve d’un film qui serait constitué exclusivement de panoramiques sur les immeubles… Toutes ces scènes sont accompagnées de musiques populaires que Nanni affectionne, et elles composent une espèce de dictionnaire amoureux de Rome, mais sur pellicule.
Comme l’a expliqué l’architecte romain Francesco Careri, cité dans ce très beau billet du site internet de l’écrivain Jérôme Orsoni, « c’est en le traversant qu’un paysage se constitue« , et dans le premier des trois chapitres de « Journal intime », c’est cette vérité qu’expérimente Nanni Moretti : « En fait, il y a toujours quelque chose à découvrir. En bas de chez toi, dans les endroits que tu crois connaître le mieux et, évidemment, là où tu n’es jamais allé. Ce n’est pas une question d’endroit. Contrairement à ce que l’idéologie touristique tend à nous faire accroire, ce n’est pas l’endroit où tu vas qui importe ; tu n’as pas besoin de faire un beau voyage pour faire une expérience. L’une des choses les plus fascinantes dans les films de Nanni Moretti, ainsi, c’est le moment où le personnage se perd, erre dans les rues d’une ville qu’il connaît et la voit comme s’il ne l’avait jamais vue auparavant. Ce n’est pas la ville qui a changé, lui-même sans doute n’a pas changé non plus, c’est qu’il fait une expérience, il regarde ce qui l’entoure et le laisse apparaître pour ce que c’est, comme si, pourrait-on dire, comme s’il n’y avait pas de filtre, pas d’obstacle, pas d’intermédiaire entre lui et ce qu’il voit, ce qui se trouve là, à la portée de sa main.«
Toujours dans ces ces scènes où il déambule dans Rome sur sa Vespa, Nanni se permet parfois une fantaisie au guidon, voire il le lâche pour esquisser une sorte de danse avec les avant-bras en claquant des doigts… J’adore aussi ces plans, qui exhalent un délicieux parfum de liberté, de légèreté et d’insouciance.
Pour en revenir à Khaled et à « Didi », ce sont ces impressions que je garde en mémoire et qui font que, sans vraiment l’aimer, cette chanson est devenue l’une des miennes : elle est l’un des nombreux souvenirs qui me replongent instantanément dans la magie de ce film adoré, et qui me donnent envie de sourire.
Comme le film me plaît infiniment plus que la musique, c’est la séquence de « Journal intime » que je mets ci-dessous en premier commentaire. Pour la chanson elle-même, ce sera la deuxième vidéo.