Il y a quelques jours, un énorme chantier vient de se terminer sur mon lieu : l’isolation par l’extérieur (ITE) de la partie ancienne de la maison (celle en pierre), avec 15 cm de panneaux de liège expansé, protégés par deux couches d’enduit à la chaux.
J’ai choisi une ITE car une isolation par l’intérieur aurait été très complexe à réaliser étant donné la configuration de la maison, et surtout elle aurait laissé beaucoup de gros ponts thermiques, notamment au niveau des murs de refends. Une ITE permet d’éviter ces ponts thermiques (cette moitié de la maison aura en quelque sorte une grosse doudoune), et en plus elle conserve l’inertie des pierres l’hiver mais aussi l’été : non seulement j’aurai beaucoup moins de pertes d’énergie en période de chauffe, mais le confort thermique en période de fortes chaleurs, qui est déjà très bon, devrait être encore amélioré (à condition bien sûr de bien faire pénétrer un maximum d’air frais pendant la nuit, ce que j’ai de toutes façons l’habitude de faire).
J’ai hésité entre les panneaux de liège expansé et un banchage en chaux/chanvre, qui sont tous les deux des matériaux « perspirants » (c’est-à-dire qu’ils laissent passer l’humidité, ce qui limite les risques de moisissures à l’intérieur de la maison). J’ai finalement opté pour la première solution, pour deux raisons :
– pour avoir la même efficacité (le même R) en banchage chaux/chanvre, il aurait fallu environ 2 fois plus d’épaisseur. Or les murs sont déjà assez larges et cette partie de la maison n’est pas très lumineuse (surtout que les poutres apparentes et le plafond sont actuellement peints dans une teinte sombres), donc je ne voulais pas créer une impression d’enfermement, ni trop réduire la quantité de lumière qui entre naturellement.
– l’ITE en panneaux de liège expansé pouvait être réalisée de A à Z par une seule et même entreprise, labellisée RGE et qui utilise exclusivement des matériaux écologiques, l’entreprise Écorce habitat (c’est une petite entreprise du département). Si j’avais choisi une isolation en banchage de chaux/chanvre, Écorce habitat aurait réalisé l’ossature bois et il m’aurait fallu organiser en plus un très gros chantier participatif. Pour un enjeu aussi important je ne le sentais pas trop, car ça aurait été compliqué et stressant à organiser, notamment sur le plan des matériaux et de la logistique. En plus l’écart de prix était assez significatif mais pas rédhibitoire, donc j’ai choisi la sécurité d’une ITE réalisée par des professionnels, du début à la fin, avec la garantie décennale, etc.
>> Voilà à quoi ressemblait la maison avant le début de travaux, puis après la pose des encadrements en bois et des panneaux de liège expansé (les tâches blanches représentent des points de colle et des joints à la chaux) :




Bien sûr il fallait couvrir ces panneaux de liège, déjà pour des raisons esthétiques évidentes, mais aussi pour les protéger (ils sont plus ou moins imputrescibles, mais c’est quand même beaucoup mieux de ne pas les laisser exposés pendant des années au cagnard, au vent et aux intempéries).
J’avais la solution du bardage en bois, mais personnellement je trouve ça assez laid, et ça aurait tranché à la fois avec la couleur du crépi de la partie récente de la maison et avec le mur en pierres des deux granges qui lui font face.
Alors j’ai fait le choix d’un enduit en chaux, qui sera peut-être peint avec un badigeon (mais ce n’est pas sûr).
Pour cette deuxième phase des travaux, j’ai choisi le principe du chantier participatif « accompagné » (et pas que par des insectes divers et variés). Un artisan spécialisé dans ce type de chantier, Stéphane Montagne, de l’entreprise « À la chaux », est venu deux jours pour former les personnes présentes, expliquer la réalisation de l’enduit et la façon dont on le pose et lancer les travaux, qui devaient alors durer… le temps qu’il faudrait. C’était donc un chantier participatif ET une formation.


Ce deuxième chantier a eu lieu dans la première semaine de septembre. J’ai reçu beaucoup d’aides extrêmement précieuses de la part d’amis des environs : Hugues est venu 3 jours, mes voisins Katia et Sébastien 3 demi-journées (en plus ils avaient cuisiné des produits de leur jardin pour manger à midi, et ils m’ont même laissé les restes pour le lendemain midi!!), Pascal est venu de son Périgord vert une journée, Kevin et Chloé, qui entreposeront bientôt dans ma grange leurs trois énormes machines de traitement de la laine, ont pris sur leur temps de travail une demi-journée chacun… et mon garçon Dorian nous a rejoints pendant quatre jours (il a sacrément bien bossé!). Sans toutes ces bonnes volontés, le chantier m’aurait pris au moins trois semaines harassantes et décourageantes, mais là ça a pris cinq jours en commun, avec en plus deux grosses journées de travail seul pour moi. Last but not least, tout le monde avait apporté sa bonne humeur, si bien que l’ambiance de travail a été vraiment très agréable et joyeuse, malgré la fatigue. Je suis très, très touché par la gentillesse et la solidarité de toutes ces personnes, et il me tarde de pouvoir renvoyer l’ascenseur en les aidant à mon tour, car je me sens vraiment endetté vis-à-vis d’elles.


Lorsque le formateur Stéphane Montagne nous a montré comment il pose la couche d’enduit de finition sur une bande de trois mètres de large (celle en blanc sur la photo ci-dessus), avec des gestes impressionnants de précision et de sûreté, il a tellement fignolé qu’il n’y a quasiment plus d’aspérités sur ce pan de mur. Honnêtement, lorsque nous avons posé cette couche d’enduit de finition sur tout le reste de la façade cour et sur la façade nord sans ouverture (c’était le vendredi, avec Dorian et Chloé), nous avons passé moins de temps et laissé pas mal d’irrégularités, car ça n’a aucun impact négatif sur la solidité de cet enduit, et personnellement je trouve ça bien plus joli. En fait ces aspérités, ce sont les indices qui démontrent que ce sont des humains qui ont fait le boulot, qui se sont donné du mal et qui ont essayé de bien faire dans la mesure de leurs compétences et de leur physique. Et j’aime bien cette idée. C’est à l’image de la personne que j’ai envie d’être : je suis loin d’être parfait, on peut me faire des reproches, mais enfin j’essaye quand même de faire de mon mieux, pas trop mal j’espère, et tant pis si mes imperfections déplaisent à certains.
C’est à tout cela que je pensais samedi en posant cette couche d’enduit de finition sur le morceau de façade sud, devant la terrasse (pour celles et ceux qui connaissent). J’étais seul, j’y ai passé cinq heures non stop (malaxage de l’enduit, pose à la truelle et au platoir, talochage, nettoyage des outils, et ainsi de suite, à un rythme d’autant plus soutenu qu’il faisait chaud et que l’enduit séchait très vite). Ce mur sera « mon » mur, et il me plaît comme il est, un peu éraflé et cabossé, comme moi. Trois jours plus tard (le temps de reposer mes doigts percés de petits trous très douloureux à cause de la chaux, malgré les gants…), je me suis occupé des encadrements et de la bande sous les larmiers : cette fois-ci ça m’a pris sept heures d’affilée.
>> Voici donc la maison telle qu’elle se présente aujourd’hui. Je trouve qu’elle a de l’allure, et elle en aura encore plus avec des fleurs pour égayer la façade de la cour.


Puisque la partie ancienne de la maison est désormais bien isolée (elle a aussi bénéficié il y a quatre ans d’une isolation de la toiture avec 20 cm de laine de bois), je vais pouvoir ôter certains enduits intérieurs en crépi moche et rendre les pierres apparentes partout où ce sera possible. Je vais aussi pouvoir me lancer dans des travaux d’aménagement intérieur : peindre l’entrée et la cuisine dans des tons plus clairs, aménager une belle chambre donnant sur la terrasse côté sud (terrasse sur laquelle j’installerai de la vigne en treille), créer un cellier pour stocker la nourriture et les conserves…
En attendant, la maison est désormais bien isolée (j’avais fait faire les toitures il y a plusieurs années), et pour moi c’était essentiel. Je ne sais pas qui vivra dedans lorsque la descente énergétique sera bien entamée et que le coût de l’énergie explosera, mais ce dont je suis sûr, c’est que les personnes qui l’habiteront seront ravies que ce chantier ait été réalisé.
Dans mon livre sur la permaculture, j’ai écrit que sur des manières d’exprimer l’éthique écologique peut être celle-ci : faire ce que les générations futures seront soulagées, heureuses et reconnaissantes qu’on l’ait fait. Je tâche d’appliquer cette définition sur mon lieu en plantant des arbres et des haies, en aménageant des niches écologiques diversifiées, en rendant de l’espace à la nature sauvage, et en améliorant la maison pour la rendre moins énergivore et plus confortable. J’espère que je ne serai pas longtemps seul à en profiter, et que lorsque je passerai de longues soirées d’hiver, j’aurai bientôt aussi chaud au cœur qu’aux pieds et aux mains.
Quel beau résultat ! Je suis bien content pour vous…
Oui c’est vraiment très chouette 😊 Merci Elric!
Eh bien, elle est méconnaissable mais c’est chouette et effectivement les traces et irrégularités de la pose ne la rendent que plus authentique. On est toujours fier de quelque chose qu’on a fait soi-même.
Mais quel chantier de dingue quand même !
Merci Karine! A l’intérieur rien n’a changé, et les prochains travaux la rendront même plus authentique et chaleureuse. Tu devras changer de chambre 😉 mais la nouvelle sera bien plus belle!