Il y a quelques semaines, Dorian a choisi un CD dans ma discothèque, et en l’installant dans la platine, il m’a dit que ce disque, « The boxer » , le quatrième du formidable groupe new-yorkais The National, est l’un de ses albums préférés tous genres confondus – il a même ajouté « peut-être même que c’est mon préféré » .
Il se trouve que cet album, que j’adore également au plus haut point, a été reçu triomphalement par la critique, pour sa musique élégante et raffinée, pour ses arrangements recherchés et classieux, pour la voix chaude et profonde de Matt Berninger…
Quel plaisir de constater que mon garçon et moi nous partageons tant de goûts en commun 😊
Cela me touche d’autant plus que depuis quelques mois il s’est mis à la guitare, et qu’il s’y consacre avec un bel enthousiasme. Il a souvent dit de lui-même qu’il n’a aucun sens du rythme et qu’il chante mal, mais ce que je vois et ce que j’entends, moi, c’est un garçon beau, sensible et doux, qui est fier et joyeux de progresser, et dont les yeux s’illuminent et le sourire s’allume lorsqu’il joue un arpège qu’il trouve réussi.
Cet été, Dorian est venu plusieurs fois passer quelques jours à la maison, et à chaque passage il a consacré beaucoup de temps à jouer de la guitare sur la terrasse, en disant à plusieurs reprises « C’est tellement agréable de jouer ici » . Sa présence me remplit le coeur, et plus encore lorsque le son de sa guitare inonde la maison et le jardin, dans la fraîcheur de la matinée ou la douceur du soir.
Pour revenir à The National, j’ai déjà partagé un titre de ce superbe disque, « Fake empire » , une folle cavalcade qui ouvre l’album au rythme trépidant d’une batterie syncopée.
Cet autre morceau, « Gospel » , est notre préféré de l’album, à Dorian et à moi. Il le clôt sur un tempo beaucoup plus calme, mais avec des paroles qui, de façon subtile, évoquent elles aussi le thème central de « Fake empire », à savoir l’illusion.
Il y a de multiples façons de se laisser happer et anesthésier par un « faux empire » (« We’re half awake in a fake empire » ). Celle qui est décrite ici, c’est le confort trompeur et précaire d’un jardin citadin dans lequel ont été installées des guirlandes arc-en-ciel et une télévision, et où des boissons fraîches sont librement distribuées. La vie semble alors paisible et sécure, la joie et le plaisir semblent garantis pour longtemps, alors qu’en réalité on ne fait peut-être que danser sur une mince pellicule prête à s’éventrer, avant de sombrer dans un chaos qu’on ne soupçonne même pas pour l’instant…
La musique, que Dorian et moi nous aimons autant l’un que l’autre, et dont Aurore dit qu’elle ne pourrait pas vivre sans, c’est aussi un empire, on ne peut plus séduisant.
Et cette séduction là, hors de question d’y résister, surtout quand elle me permet de partager des moments aussi bénis que ceux que j’ai vécus cet été sur la terrasse, avec mon garçon et sa guitare.