The Pixies – « Monkey gone to heaven »

Retour ce soir à l’un de mes albums préférés durant mes années d’étudiant, le décapant et sulfureux « Doolittle » , sorti en 1989.

C’est un disque qui au premier abord ne semble pas être sorti d’un cerveau très équilibré. Au gré de chansons très courtes et qui partent dans tous les sens, les Pixies nous parlent de sanglantes histoires tirées de l’Ancien Testament, de la mort, du diable, de la psychose, de la torture, du suicide, de prostituées, de drogue – bref, que des thèmes joyeux et légers.

En anglais, « pixie » signifie lutin ou farfadet: le moins que l’on puisse dire est qu’ici on est relativement loin du père Noël ou de Oui-Oui.

Tout au long de l’album, cet imaginaire assez glauque est évoqué avec le genre de textes que l’on qualifie souvent de « surréalistes » , pour dire poliment qu’en réalité on n’y comprend strictement que dalle et que ça flirte assez nettement avec le n’importe quoi.

J’ai lu le commentaire d’un fan disant, à propos du passage qui prépare le refrain (« If man is five / then the devil is six / and god is seven » ) , que c’est « definitely the best lyrics I have ever heard » . C’est aussi à cela qu’on reconnaît la passion: elle rend très, très indulgent. Certains ont aussi cru voir dans « Monkey gone to heaven » une allusion à une catastrophe écologique – un genre de raz de marée cataclysmique. Je veux bien, mais alors on va dire que c’est pour le moins allusif…

Le leader des Pixies, Black Francis, est plus réaliste quant à ses propres textes. Dans une interview au New York Times, il a comparé sa manière d’écrire avec la description que David Lynch a un jour faite de lui-même (« J’ai des images et des idées en tête, mais je ne sais pas ce qu’elles signifient exactement » ). Il lui est même arrivé de reconnaître carrément que les paroles de ses chansons n’ont strictement « aucun sens » et que ce n’est en rien un problème ou une lacune, car ils visent seulement à mettre en correspondance les sons produits par les instruments de musique avec les syllabes qu’il avait à chanter…

Je dois dire qu’habituellement j’ai plus d’exigence poétique que cela (euphémisme), mais ici il y a une telle débauche d’énergie et une telle folie que ça m’électrise, et que j’adore.

Musicalement, l’album est tout aussi sombre, brutal et déstructuré que les textes. Plusieurs morceaux (celui-ci, « Tame » , « Gouge away » …) développent la marque de fabrique du groupe, à savoir un contraste, ou plutôt une alternance entre des moments lents et calmes et de violentes et soudaines explosions de hurlements et de guitares saturées.

Tout cela a très bien marché (l’album est devenu disque d’or) et a laissé une trace importante au sein du rock alternatif. Le leader de Nirvana Kurt Cobain a explicitement affirmé qu’aux débuts du groupe, il voulait tout simplement copier les Pixies, qu’il admirait énormément (et de fait, juste après avoir enregistré « Smells like teen spirit » , il a eu de sacrés doutes sur l’originalité de ce morceau: « Ça sonne vraiment comme les Pixies. Les gens vont se foutre de nous en écoutant ça! » ). Beaucoup de revues musicales inscrivent les Pixies comme l’un des groupes plus influents et les plus appréciés de l’histoire du rock. En 2002, Rolling Stone a écrit que « Doolittle » a « posé les bases du rock des années 1990 » . L’année suivante, suite à un sondage réalisé auprès de ses lecteurs, la revue NME a même classé « Doolittle » comme le deuxième meilleur disque de tous les temps. C’est bien sûr « un tout petit peu » excessif… mais en cela c’est très fidèle au groupe 😉

Si « Monkey gone to heaven » est caractéristique du style des Pixies, c’est quand même un morceau plus riche que d’habitude sur le plan musical. La ligne de basse, noire et résolue, est plus frappée que jouée, et le morceau est attaqué tambour battant par la guitare électrique qui ouvre les hostilités sans sommations. Mais de façon pour le moins inattendue, le groupe intègre aussi un quatuor à cordes (!) qui prépare l’explosion du refrain et qui conclut la chanson, lui donnant une touche plus grave et funèbre.

Je mets quelques paroles comme d’habitude, mais vous savez maintenant ce qu’il faut en penser 😁

« And if the ground’s not cold, everything is gonna burn »

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