Keith Jarrett – « Köln concert / Part I »

Après la récréation d’hier, ascension vertigineuse aujourd’hui, avec le Part I du fantastique Köln de Keith Jarrett, que j’aime passionnément ET à la folie, et ce d’autant plus qu’il a été utilisé dans la BO de mon film préféré (« Journal intime » de Nanni Moretti) – je mets tout en bas de cet article la vidéo de l’extrait du film où ce concert est utilisé.

L’histoire du Köln concert est assez étonnante.

L’album de la captation de ce concert a été vendu à plusieurs millions d’exemplaires dès sa sortie, et aujourd’hui encore c’est l’un des disques de jazz les plus vendus.

Et pourtant, c’est une performance qui n’aurait pas dû avoir lieu. Keith Jarrett était épuisé, il n’avait quasiment pas dormi pendant deux jours, et en arrivant à l’opéra de Cologne il a découvert un piano qui ne lui convenait pas et qu’il trouvait « mauvais » , des conditions d’enregistrement précaires… Pour toutes ces raisons, il ne voulait pas donner ce concert – il est réputé pour son caractère ombrageux.

Mais son producteur l’a convaincu de le donner quand même…

Alors Keith Jarrett a accepté, de mauvaise grâce, et il l’a démarré de façon désinvolte, en jouant les quatre premières notes de la sonnerie d’appel qui, comme souvent dans les opéras, signale au public que la représentation va démarrer.

Mais une fois passé ce premier mouvement d’humeur, ce geste de défi, Keith Jarrett s’est lâché comme jamais, et il a commencé à improviser à partir de ces quatre premières notes en se laissant emporter par tous ses souvenirs musicaux (il est formé à la musique classique, passionné de musique folk et country, de gospel, de blues…). Partant de quelque chose de simple, son génie créatif a fait remonter et agrégé de façon instinctive toutes les réminiscences de ses goûts musicaux, et cela a amené au jour une œuvre extraordinaire, qui peut toucher tout le monde.

Et voilà comment un concert qui n’aurait pas du avoir lieu est devenu épique et iconique.

Ce que j’aime et qui me fascine le plus dans la musique, bien au-delà de la beauté des mélodies, c’est justement ce que Keith Jarrett a réussi à créer dans ce Köln concert: l’impression qu’elle me donne d’entrer en contact avec un univers singulier et avec une âme, en un moment précis où cette âme est ainsi et pas autrement, unique, fragile et périssable (demain peut-être elle sera différente, et en tous cas un jour elle ne sera plus).

Alors c’est pour cela que le « Part I » de ce Köln concert est pour moi, à égalité peut-être avec « Peace piece » de Bill Evans, le plus beau morceau de piano qui soit. Ces 25 minutes entièrement improvisées sont absolument éblouissantes, inouïes, sidérantes d’inventivité, d’audace et de créativité. C’est de la musique qui semble venir d’un autre monde, et à chaque écoute, j’en suis pantois d’admiration.

Il FAUT absolument écouter ce disque en entier, notamment le « Part I » , et l’écouter religieusement, seul, de préférence au casque.

Et le formidable plan-séquence de 5 minutes où Nanni Moretti utilise génialement les dernières minutes de ce part I…

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