Voici une des scènes les plus bouleversantes que j’ai vues récemment. [ Attention, spoiler!]
C’est un de ces moments où une émotion longtemps réprimée jaillit brusquement, emportant tout sur son passage comme un tsunami surpuissant, et permettant (enfin!) une vraie connexion avec soi-même, et avec celles et ceux qui nous entourent.
C’est aussi une magnifique illustration de ce qu’Alice Miller a écrit sur les « témoins secourables » , ces personnes précieuses qui, souvent sans même le savoir, ancrent dans le coeur d’un enfant malheureux, tétanisé par les coups, les moqueries ou les brimades, qu’il a de la valeur, qu’il est digne d’être aimé tel qu’il est, et qu’il mérite de trouver une place dans ce monde et d’y réussir sa vie.
Cette scène est tirée de la mini-série de Netflix « Le jeu de la Dame » (« The Queen’s gambit » ) , qui raconte l’ascension d’une très jeune américaine vers le petit cercle des « grands maîtres » des échecs, dans les années 1950-60.
La dimension dramatique de cette série tient largement à la personnalité du personnage principal. Abandonnée par son père, rescapée à huit ans du suicide de sa mère maquillé en accident de voiture, confiée à un orphelinat assez sinistre jusqu’à l’adolescence, Beth s’y découvre un prodigieux talent aux échecs, ainsi qu’une ambition dévorante, mais elle se bat durant toutes ses jeunes années d’adulte contre de graves troubles émotionnels et une addiction à l’alcool et aux tranquillisants. Le jeu d’échecs est pour elle un moyen de donner du sens et de mettre de l’ordre dans un monde profondément angoissant, où elle n’arrive pas à nouer des relations satisfaisantes et sécurisantes avec qui que ce soit.

Dans cette scène, Beth revient à l’orphelinat, accompagnée de son ancienne camarade de dortoir, car le gardien monsieur Shaibel, celui-là même qui lui a appris à jouer aux échecs et qui lui a prêté les dix dollars pour l’inscription à son premier tournoi, vient de mourir. Après la cérémonie, elle descend dans le bureau de monsieur Shaibel à l’entresol, elle s’assied à la table où elle a joué ses premières parties, elle laisse les souvenirs remonter à la surface… et soudain elle se rend compte que cet homme taciturne et bourru a suivi avec attention et fierté toute sa carrière, comme une sorte d’ange gardien.
Je vous laisse découvrir (ou revoir) ce qui se passe alors (préparez les mouchoirs).
« Oh honey… »