Téléphone – « Au coeur de la nuit »

Téléphone, c’est LE groupe français de mon adolescence.

J’ai grandi et vécu à la campagne jusqu’à mes 10 ans, et mes parents profs n’écoutaient quasiment que de la chanson française rive gauche (Moustaki, Mouloudji, Tachan, Ferrat…). Pour moi, la musique se résumait alors aux fabulettes d’Anne Sylvestre, et je n’en écoutais quasiment jamais, car j’étais bien trop occupé à jouer au tennis, aux Lego ou aux Playmobil, à construire une cabane, à lire « Les six compagnons » ou à écrire et dessiner un « Journal des amis de la nature » . J’étais un petit garçon intelligent et créatif (tout le monde le voyait et le disait), mais aussi très fragile et sensible (et ça, personne ne s’en rendait compte).

Quand je suis arrivé en sixième, ça a été un vrai choc. Je devais me lever très tôt pour prendre le car, tout était démesuré (le collège était immergé dans les coursives d’une cité, la cantine était partagée avec les adultes qui travaillaient dans le quartier…), je ne connaissais personne (j’étais le seul de mon village dans ce collège)… Même si je me suis fait très vite de très bons copains, j’ai eu l’impression d’être soudain jeté dans un monde un peu trop violent et insécurisant pour moi.

Le choc a aussi été musical, car mes copains, chez qui j’allais souvent (c’était un collège expérimental dont on pouvait sortir librement en dehors des cours), écoutaient Téléphone, Renaud, AC/DC, Police, Pat Benatar, Higelin… Apprécier la même musique qu’eux, c’était pour moi un moyen de me rassurer, de me sentir moins seul et vulnérable.

Quand je revois ce clip aujourd’hui, j’y vois une forme de folklore rock, qui manque de naturel et de spontanéité. Ça lorgne clairement sur les Stones, y compris dans la façon dont Jean-Louis Aubert singe les attitudes et les mimiques de Mick Jagger. On a un peu l’impression que Téléphone est installé au sommet et défend sa place sur le créneau « groupe rock français » , en enfilant la panoplie des parfaits rockers.

Mais la nostalgie demeure à l’écoute de plusieurs chansons de cet album sombre, désespéré et révolté, notamment « Fleur de ma ville » (sur l’addiction à l’héroïne), « Laisse tomber » (sur la rupture amoureuse et le sentiment d’humiliation qui peut l’accompagner)… et « Au coeur de la nuit » , qui ouvre l’album en parlant d’un deuil douloureux et des sentiment d’injustice et d’abandon qui l’accompagnent.

Sentiment d’injustice et d’abandon… Pas étonnant que cette chanson m’ait tant marqué à l’époque.

« Mais la nuit ne peut pas entendre

Non la nuit ne peut pas comprendre

C’est à croire

que la nuit n’a pas de cœur »

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *