Je n’ai pas encore partagé de morceau de ce monstre sacré de la musique ET de la littérature. Il faut dire que dans beaucoup de ses albums, j’ai un peu de mal avec sa voix nasillarde, si bien que je ne les écoute pas beaucoup.
Mais lorsque, comme sur l’excellent « Oh mercy! » , la voix se fait plus sobre, chaude, charnelle, elle magnifie les textes, les mélodies et les arrangements (quinze instruments différents sur cet album!). Ce n’est pas étonnant que Dylan lui-même en parle comme d’une « renaissance » ou d’un « nouveau départ » , une étape vers un nouveau cycle de créativité.
« Oh mercy! » contient plusieurs magnifiques chansons, marquées par une forte tendance à l’introspection (notamment « What good am I ? »).
« Man in the long black coat » raconte l’histoire d’un homme dont la femme s’est évanouie un jour, subitement, sans même dire un mot ni écrire quelques lignes en guise d’explication ou d’adieu, avec un homme dont on ne sait pas grande chose, si ce n’est qu’il est habillé d’un long manteau noir, qu’il porte un masque quand il danse, qu’il diffuse des sermons une bible à la main… Est-ce un homme, est-ce le diable, est-ce l’incarnation de la mort ? Cette femme l’a-t-elle quitté pour un autre, a-t-elle sombré dans la folie, s’est-elle convertie à on ne sait quelle croyance, est-elle morte ? Toujours est-il que l’homme qui raconte cette histoire reste seul à observer la brume et la lune, à ressentir les vibrations de son coeur. Sonné, pas encore mort, mais plus tout à fait vivant.
Dans cette chanson envoûtante, au-delà du texte d’une richesse et d’une beauté très rares en chanson, j’aime particulièrement l’intro nerveuse à la guitare et à l’harmonica, l’utilisation des guitares en rythmique, et la façon dont Dylan découpe chaque vers en quelques grappes de mots, comme s’il voulait retenir sa voix pour l’empêcher de s’échapper, comme si à tout instant il craignait tant d’être débordé par l’émotion qu’il se sent obligé de la tenir en laisse.
Mais elle s’échappe quand même, cette émotion, et cela donne une superbe chanson, fiévreuse et intense.
« It ain’t easy to swallow it sticks in the throat
She gave her heart to the man in the long black coat
There are no mistakes in life some people say
It is true sometimes you can see it that way
But people don’t live or die people just float
She went with the man in the long black coat »