Une chanson qui commence par un « toc toc toc » , comme pour dire « Devine qui vient foutre le souk ? » , et qui dépote très fort, en effet. Un vrai tord-boyaux. Comme le dit une de mes amies, « ça décolle le papier peint » .
La musique de Joseph Artur, c’est une musique d’escogriffe qui parle à des escogriffes – ou à des ados mal dans leur peau, ce qui est souvent du pareil au même.
Sa façon de chanter me fait beaucoup penser à celle de Liam Gallagher, notamment sur le premier album d’Oasis « Definitely maybe » : j’y entends la même colère désordonnée, sauvage, indomptable – la colère immature de ceux qui ont gravement morflé et qui n’ont toujours pas réussi à s’en remettre.
Il faut dire que Joseph Artur a connu, comme la plupart des écorchés vifs, une enfance assez terrible, marquée par les coups et le mépris, et qu’il a notamment racontée dans la chanson « Daddy on Prozac » . Cela a donné un enfant fracassé, alcoolique à partir de treize ans, broyé très jeune dans l’enfer de la drogue, et qui, devenu adulte, a été plongé dans une dépression sévère dont il a bien failli ne pas réchapper.
Quand on a connu tout ça, la colère, la rage plutôt, c’est bien le moins que l’on aie à exprimer. « Il faut que ça sorte » , comme on dit, et si ça en emmerde certain(e)s que ce soit de façon un peu anarchique, tant pis. Alors tout au long de cette chanson, la voix hargneuse de Joseph Artur chevauche des guitares teigneuses, elle grogne plus qu’elle chante, comme si elle essayait furieusement d’envoyer valdinguer une camisole de force.
Il y a comme ça des morceaux qui me tamponnent tellement que même s’ils m’emmènent en dehors de ma « zone de confort musicale » , je me sens obligé de les suivre.
Et puis au-delà de cette colère farouche, il y a une chose qui m’amuse dans cette chanson, c’est le fait qu’elle décrive l’un de mes fantasmes ultimes: disposer d’une machine à débrancher le cerveau, pour ne plus avoir à le prier ou le supplier de me foutre la paix. Parce que moi aussi, bien souvent, mon imagination m’épuise…
« I never sleep
I been awake for what feels like a year
‘Cause when I dream,
my mind puts a face
to each one of my fears
I’m exhausted by my imagination »