The Pixies – « U-mass »

Quand j’ai partagé un premier morceau de Pixies dans cette playlist, j’ai écrit que mon album préféré est « Doolitle » . Mais en fait je n’en suis pas sûr: j’aime beaucoup aussi le suivant « Bossanova » , très différent (plus lent, plus sensuel). Et plus encore le dernier, « Trompe le monde » . En fait je me rends compte que des groupes que j’ai adorés quand j’étais jeune étudiant, Pixies est l’un de ceux que j’apprécie le plus écouter encore aujourd’hui.

« Trompe le monde » est foisonnant, ou pour mieux dire carrément bordélique. Il y a des morceaux lents et presque tranquilles (« Bird dream of the Olympus mons » ) , d’autres lancinants et parfaits pour conduire la nuit sur autoroute (« Motorway to Roswell » ) , d’autres encore où ça braille et ça torture la guitare – et mieux encore, il y a des morceaux où il y a un peu tout ça, qui partent dans tous les sens de façon apparemment invertébrée. Apparemment, bien sûr: certains ont parlé d’un « rock cubiste » , au sens où le groupe présente chacun à leur tour les différents éléments qui constituent l’album, ce qui en fait un album composite, qui semble déstructuré et explosé mais qui est en fait très réfléchi.

Mais ce qui fait l’homogénéité de l’album, c’est le son abrasif, sauvage, brut, brutal même. Ça lorgne parfois vers le metal (que je n’aime pas du tout, là est l’une de mes limites en musique), et le leader et chanteur Black Francis a lui-même dit que cet album est le plus punk des Pixies. Quand il enregistre l’album, le groupe sait qu’il va bientôt splitter, car l’ambiance est détestable entre Black Francis et la bassiste Kim Deal, qui l’exaspère car elle a obtenu un certain succès quelques temps plus tôt avec un autre groupe. Cet album est donc une espèce de bouquet final: ça pète, ça éblouit, ça explose les tympans, et après ça, rideau.

Si je choisis « U-mass » , c’est pour le déchaînement sonore et verbal, qui fait tellement de bien de temps en temps. « And stupid stuff it makes us shout » : ça oui, pour gueuler ça gueule, et même ça éructe.

J’adore surtout le petit temps de suspension à 2’38 (quelques secondes où seul le batteur David Lovering continue à taper somme un sourd, pendant que basse et guitares reprennent leur souffle et se préparent à cracher tout ce qu’elles peuvent, telles des haltérophiles qui inspirent profondément avant de soulever une barre à la limite de leurs forces)… et le déferlement sonore qui suit dix secondes plus tard, comme si le groupe tout entier était en pleine crise d’épilepsie, comme si tout le monde en même temps était électrocuté les doigts dans la prise.

Une énergie ravageuse qui emporte tout sur son passage.