Julien Clerc – « Ma préférence » (reprise par Benoît Poelvoorde)

Après « La chanson d’Hélène » l’autre soir, voici encore une chanson populaire et élégante écrite par Jean-Loup Dabadie, et qui est ma préférée de la discographie de Julien Clerc.

En 1974, alors qu’il a été quitté il y a peu par France Gall, Julien Clerc rencontre Miou-Miou sur un tournage, et il en tombe tout de suite raide dingue. Comme Miou-Miou était alors en couple avec Patrick Dewaere et fraîchement maman, leur romance a eu un parfum de scandale, et les deux tourtereaux l’ont d’ailleurs tenue cachée pendant un moment.

Quelques années plus tard, Dabadie écrit pour Julien Clerc cette déclaration d’amour en forme de réponse au désaveu du « grand public » , comme on disait alors. Cela donne une chanson d’un romantisme enflammé, avec quelque chose d’obstiné dans l’expression du sentiment amoureux, ce que je trouve très touchant. Mélodiquement c’est très beau, notamment à la fin de la chanson, avec le lyrisme des violons et la voix de Julien Clerc qui prend de l’ampleur: ces « la la la » amples et fiévreux me transportent et me donnent à chaque fois l’impression curieuse que c’est moi qui suis en train de chanter.

Ce soir je vous fais (re ?)découvrir la version chantée par Benoît Poelvoorde, dans le film « Podium » .

Comme je le disais l’autre jour à propos de Romy Schneider, j’aime beaucoup les voix imparfaites, qui ne cherchent pas à faire joli, à atteindre une forme de perfection technique ou à transformer le chant en performance sportive, mais qui laissent voir l’âme en filigrane à travers les hésitations, les imprécisions, les fêlures ou les ratés. Cette interprétation en est une magnifique illustration. Benoit Poelvoorde aime bien jouer au cabot, il le surjoue souvent, mais sous ce vernis se cache une immense sensibilité, qui transpire ici magnifiquement.

Dans « Podium » , c’est tout à la fin que Benoît Poelvoorde décide brusquement de chanter « Ma préférence » dans un concours de chant à la télévision, plutôt que le tube de Cloclo qu’il avait prévu, pour reconquérir la femme de sa vie, dont il vient de prendre conscience qu’elle est vraiment, mais vraiment à bout de le voir s’enliser dans la vie. Le film est assez balourd, mais ce passage est très touchant. C’est un émouvant dialogue à distance entre Poelvoorde, amoureux timide brisant l’armure et remettant en chanson de l’ordre dans ses priorités, lui-même hébété du saut dans le vide qu’il est en train de faire, et Julie Depardieu, fière de son homme au moment même où il décide qu’elle compte davantage que ses rêves de succès populaire.

Le regard embué de larmes de cette femme, ce sourire qui se mue en rire lorsqu’elle répond à son fils « Mais non papa n’a pas perdu, il a gagné! » , sont alors d’une intensité vraiment splendide.

Et au final, en dévoilant ce qu’il ressent vraiment, Benoît Poelvoorde fait d’une pierre deux coups, puisqu’il obtient en prime la reconnaissance du public qu’il espérait – sauf que celle-ci vient finalement comme une cerise sur le gâteau. En ouvrant son coeur, il a réussi à concilier, « par bonheur » , ses deux préférences à lui. Je crois que c’est un peu un Graal pour moi (faire ce que j’aime, avec des personnes que j’aime), alors cette scène, et cette chanson, et ce chanteur, et le regard de cette femme, tout cela me touche énormément.

« Je le sais,

sa façon d’être à moi parfois vous déplaît,

autour d’elle et moi le silence se fait,

mais elle est

ma préférence à moi » .

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