PJ Harvey – « The mess we’re in » (feat. Thom Yorke)

Par rapport au son brut et sauvage du premier album fracassant de PJ Harvey (« Dry » , 1992), par rapport au superbe intimisme de « White chalk » (2007), l’album « Stories from the City, Stories from the sea » , sorti en 2000, est beaucoup plus neutre et grand public. C’est léché, propre, produit avec soin, avec des guitares très présentes mais relativement sages, au point que beaucoup de fans ont déploré une forme de trahison commerciale (et de fait ça s’est très bien vendu). Même les textes se font un peu plus policés: au lieu de parler de sexe, de possession ou de colère, PJ se met à explorer les sentiments, à parler d’amour… Cet album n’est pas franchement révolutionnaire et je ne suis pas vraiment emballé, malgré quelques très belles réussites (notamment « We float »).

Mais sur cette chanson, la magie fonctionne. Il faut dire que c’est la rencontre entre la patronne du rock indé et le leader et chanteur de mon groupe préféré (Radiohead): je pouvais m’attendre à un morceau de choix, et je n’ai pas été déçu.

La rythmique est assez basique, la mélodie à la guitare électrique est très simple… C’est qu’ici la musique est simplement une toile de fond pour faire vivre une rencontre éphémère entre deux personnes un peu perdues, qui se sont séduites, qui se plaisent, qui se cherchent, qui s’appellent, qui se regardent droit dans les yeux, qui se parlent… mais qui ne s’écoutent et ne s’entendent pas vraiment.

La voix plaintive et haut perchée de Thom Yorke exprime son désir (« Night and day / I dream of making love / to you now, baby« ) , et la voix parlée de « Peejay » tour à tour répond à son appel, répète ses mots, couvre sa voix, sans que Thom Yorke s’arrête pour autant de chanter.

Ce n’est donc pas un dialogue, plutôt la juxtaposition de deux monologues, chacun restant dans son monde, « dans son couloir » comme on dit en athlétisme ou en natation, notamment à partir de 2’45.

Tout cela donne l’impression d’une histoire d’amour possiblement intense et fiévreuse, mais dont les chances de s’inscrire dans la durée sont bien minces: « I don’t think we will meet again (I don’t think we will meet again) / You must leave now before the sun rises above the skyscrapers » .

Au final c’est un morceau plutôt triste, en tous cas mélancolique. Un homme et une femme voudraient bien s’aimer, ils se désirent, mais ils en sont à un stade de leur vie où ce n’est pas vraiment possible, et ce constat amer les laisse dans un désarroi dont ils ne savent pas trop comment se dépêtrer. « The mess they’re in » – dans quel merdier ils sont…

Moi qui les écoute, en revanche, je suis aux anges avec cette chanson très belle et émouvante – « une balade qui donne la chair de poule » , ont écrit les Inrocks, et j’en suis bien d’accord.

« No need for words now

We sit in silence

You look me

in the eye directly »

Dans la réédition en vinyle de l’album « Stories from the City, Stories from the Sea » , on trouve la demo de ce morceau, chantée par la seule PJ Harvey, avec une voix un peu fantomatique pour le texte de Thom Yorke, et un accompagnement minimaliste et brut à la guitare électrique. Dommage qu’il y manque la voix de Thom Yorke, parce que musicalement je préfère cette version plus brute, plus sensible, plus écorché, plus incarnée

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