Pour fêter la venue de ma fille Aurore pour une petite semaine, je partage un titre de son chanteur français préféré, qu’elle m’a fait découvrir il y a deux ans. J’ai eu la chance d’assister avec elle à un concert formidable à Bercy, au premier rang, appuyé contre les rambardes, sonné par tant d’intensité et de générosité.
Sur l’album « Jeannine » , sorti fin 2018, Lomepal fait preuve d’une maturité et d’une audace impressionnantes. Tout en restant fidèle aux rythmiques du rap dont il est issu, il s’aventure sans filet dans les contrées bien plus variées et subtiles de la chanson française, avec une grande diversité d’arrangements, de rythmes et de styles, et quelques surprises étonnantes (comme la dernière chanson de l’album, « Les cinq doigts » , enregistrée avec Philippe Katerine).
Parmi les choses particulièrement émouvantes sur cet album, il y a, comme sur le précédent, l’exploration de ses difficultés à gérer des émotions envahissantes (« Maman dit «ça fait du bien de pleurer» / Comment je fais si j’ai plus de larmes ? / Plus de larmes dans le corps, plus de larmes dans la machine« ) , ses efforts pour ne pas se laisser happer par son côté sombre (« Rien de neuf, la douleur a pas changé de poids / J’ai que ça dans l’réservoir, tu voudrais qu’j’écrive sur quoi ?« ) , mais aussi l’affection intense qu’il adresse à sa grand-mère Jeannine et à sa mère, qui lui ont toutes les deux légué leur folie, furieuse ou douce selon leurs humeurs.
Aujourd’hui je partage à nouveau ma chanson préférée cet album et de sa discographie, « Évidemment » . Une chanson magnifique, qui décrit avec une puissance incroyable l’itinéraire d’un jeune homme aussi affamé que frustré d’amour, et qui petit à petit apprend à s’en donner. Le refrain me bouscule et me tamponne à chaque écoute:
« Évidemment que je veux briller comme l’or,
j’ai passé ma vie invisible comme l’air.
Pourquoi vous voulez m’aimer maintenant ?
Pourquoi vous voulez m’aimer maintenant ?
Des millions d’heures seul dans le noir,
Dieu merci j’ai enfin confiance en moi.
Pourquoi vous voulez m’aimer maintenant ?
Sert plus à rien de m’aimer maintenant… »
« J’ai passé ma vie invisible comme l’air » . Ouch. Difficile de mieux exprimer en si peu de mots l’impression d’être transparent, étranger, inutile, qui m’a si longtemps poursuivi, et si facilement rattrapé…
Dans cette chanson il y a ça aussi, plus lumineux, comme un arc-en-ciel en plein orage et un encouragement à tenter le coup, ne serait-ce que pour la beauté du geste:
« … sur le clap de fin,
si jamais ça marche j’pars plus comme une tâche de vin » .