Spain – « Before it all went wrong »

Sorti en 1999, le deuxième album du groupe américain Spain est doté d’un titre en lui-même assez envoûtant (« She haunts my dream » ) , et d’une pochette en noir & blanc qui ne l’est pas moins, avec cette silhouette de jeune femme au décolleté vertigineux qui danse toute en légèreté, perdue dans ses pensées et les yeux clos.

Musicalement c’est très classieux (le leader du groupe, Josh Haden, est un grand admirateur des Tindersticks), avec des arpèges de guitare élégants et aériens sur le refrain, une batterie discrète, une voix flegmatique et néanmoins sensuelle, une production léchée… J’aime beaucoup cette ambiance musicale, qui sur la durée de l’album peut paraître un tantinet monocorde, mais qui sur plusieurs des titres est franchement très séduisante.

Mais si délice il y a, il est ici des plus mélancoliques, par exemple sur « Nobody has to know » , indolente et magnifique ode à un amour dont on ne pourra jamais, de l’extérieur, soupçonner l’ampleur et la profondeur, ni comprendre pourquoi il est né, « just a year ago » , ni pourquoi il s’est terminé brusquement (« you’ve kept it to yourself » ).

La mélancolie est tout aussi présente sur « Before it all went wrong » , mais ici l’effort pour chercher des réponses est plus présent, et bien sûr totalement vain. Cette chanson décrit l’état d’esprit d’un homme qui, pensant à l’échec d’une histoire d’amour récente, se demande où elle a bien pu dérailler, et exprime ce vieux fantasme du « On efface tout et on recommence »: si j’avais le pouvoir de me téléporter dans le passé, quel moment choisirais-je, pour éviter quelle erreur, quel mot de travers, quel choix malheureux ?

On devine que cet homme donnerait très cher pour ne plus se surprendre à penser si souvent à cette femme qui hante ses jours et ses nuits, et dont il n’arrive pas à se faire à l’idée qu’elle ne soit plus sienne. « She haunts my dream » est un album sur les deux premières phases du deuil (amoureux): ce n’est pas arrivé (déni), et quand bien même c’est arrivé, ça va s’arranger (« négociation » ).

Comme l’a écrit superbement le philosophe Clément Rosset, il n’y a « rien de plus fragile que la faculté humaine d’admettre la réalité » . Surtout quand elle est douloureuse, évidemment.

« There must be a way

to feel like I used to feel before,

before it all went wrong

(…)

There must be a way

to get back to where we were before,

before it all went wrong »

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