Mes quatre grands-parents sont nés et ont grandi dans le bassin minier lensois, et ils y sont tous les quatre enterrés.
L’un de mes grands-pères est descendu à la fosse à treize ans avant de devenir cheminot, et deux de ses frères sont morts les poumons détruits par la silicose. L’autre a été magasinier aux Mines et écrivait des textes en patois chti pour La Voix du Nord, dont il était correspondant de presse.
L’une de mes grand-mères, arrivée d’Italie à cinq ans, a été « bonniche » , comme elle disait, dans une famille de la haute bourgeoisie d’Arras, et l’autre a été couturière.
Quand j’étais petit, je passais une bonne partie de mes vacances d’été chez mes grands-parents, qui vivaient dans des maisons de brique, comme leurs voisins, leurs frères et sœurs, leurs neveux et nièces. Le ciel était souvent bas et gris, l’horizon toujours très lointain, mais peu importe, j’aime cette région. Je m’y sentais toujours accueilli avec générosité et affection.
Alors « Les corons » , ce sont mes racines, et je ne peux pas écouter cette chanson (ni regarder certains extraits de « Bienvenue chez les Chtis » ) sans une très grande émotion.
Plutôt que de partager la version de Pierre Bachelet, je vous fais découvrir « Les corons » chantée (ou plutôt « cantée » ) par tout le stade Bollaert, qui retrouve aujourd’hui son public (le meilleur de France), pour le premier match à domicile de la saison de L1, contre les Verts de Saint-Etienne.
Je fais ce choix parce que j’aime le foot, et parce que dans tous les grands championnats européens, ce sont les clubs populaires que je supporte: Lens, l’OM ou Saint-Etienne contre Lyon ou le PSG, Le Barça contre le Real Madrid, la Roma ou l’Inter contre la Juve, Liverpool contre Chelsea ou ManU, Dortmund contre le Bayern…
J’aime les ambiances de feu et les tifos spectaculaires, les odeurs de baraques à frites, les joueurs qui mouillent le maillot, la solidarité au sein des clubs de supporters (« You’ll never walk alone » ) , les tribunes remplies de gamins, de familles et de mamies enroulées dans les écharpes du club, les émotions devant un geste dingue ou grâce à une victoire conquise à la dernière seconde, les tactiques audacieuses (le tiki-taka du Barça, le FC Nantes de Suaudeau, l’OM de Bielsa…), les perdants magnifiques (putain de poteaux carrés, saleté de Schumacher)…
Et bien sûr je déteste l’évolution du foot depuis quelques décennies, le fait qu’il soit devenu une industrie plutôt qu’un jeu, le fait que les gros écrasent les petits et que le fric achète les palmarès, le fait que les enjeux financiers soient tellement énormes que partout les gagne-petits ont pris le pouvoir et imposent l’idée qu’il faut être « bien en place » et que « l’important c’est les trois points » .
Le Racing club de Lens avec ses couleurs Sang et Or, comme l’OM et son « Droit au but » , symbolisent le foot que j’aime depuis tout petit, et que je continue à aimer malgré tout car il me replonge en enfance.
J’ai gueulé plusieurs fois « Les corons » à plein poumons, à l’occasion de matches que j’étais venu voir à Bollaert. Cette vidéo n’en donne qu’un petit aperçu de l’ambiance, et pourtant elle me fout déjà sacrément les poils.
Mon garçon Dorian la regarde de temps en temps, et il en est très touché lui aussi. Il n’a jamais connu cette ambiance, mais j’espère bien pouvoir la partager un jour avec lui.
Ce que j’ai reçu, j’essaye de le transmettre, et je suis toujours heureux et touché lorsque je constate que j’y suis arrivé.
« Mon père était gueule noire comme l’étaient ses parents
Ma mère avait les cheveux blancs
Ils étaient de la fosse, comme on est d’un pays
Grâce à eux je sais qui je suis »
Et quand même, le clip officiel, pour rendre hommage à Pierre Bachelet: