Johnny Hodges – « A flower is a lovesome thing »

Le titre de l’album dont est extrait ce morceau est « Everybody knows Johnny Hodges » . Comme ça m’a l’air un poil exagéré, je vais quand même dire quelques mots de l’un des plus méconnus des géants du jazz.

Surnommé « the rabbit » , Johnny Hodges est un saxophoniste alto et soprano américain qui a appris la musique en autodidacte, grâce à quoi peut-être il a développé une façon de jouer particulière, si virtuose et expressive que Duke Ellington, dont il était l’un des principaux solistes, concevait spécialement pour lui beaucoup de ses arrangements, voire de ses compositions, afin qu’il puisse s’exprimer librement. Lorsque Johnny Hodges est mort, le Duke a lâché cette phrase qui en dit très long sur la place éminente qu’il occupait dans son Big band: « En raison de cette grande perte, notre orchestre ne sonnera plus jamais comme avant. »

La maîtrise du saxophone dont Johnny Hodges faisait preuve était si étonnante que jusqu’à l’arrivée de Charlie Parker, il était considéré comme LA référence au sax alto: un art de l’improvisation éblouissant (virtuosité et inventivité à leurs sommets), une précision sans faille sur le plan rythmique, des phrases mélodiques sinueuses mais fermes, un son rond et suave, tout cela allant de pair avec une profonde expressivité, un romantisme souvent enflammé (il aimait tout particulièrement jouer les ballades sentimentales)… C’est tout ce que j’aime dans le jazz dit « classique » , celui que j’écoute le plus souvent et avec le plus de plaisir.

« A flower is a lovesome thing » est l’un des trésors composés par l’immense faiseur de standards Billy Strayhorn (« Take the A train » , « Lush life » …). Elle a été enregistrée pour la première fois en 1946 par Duke Ellington et son grand orchestre, et dès l’année suivante elle était reprise par Johnny Hodges, qui en a fait l’un de ses titres fétiches.

Dans ce morceau, Johnny Hodges ajoute à sa palette une sensualité renversante. Vers la fin de sa vie, il exprimait dans sa musique et dans ses interviews une sérénité et une tranquillité qui confinaient carrément au détachement: « Ce n’est pas la peine que je pense à ce que je fais, mes doigts se meuvent tout seuls sur les clés. » C’est tout à fait l’impression qu’il donne ici. D’abord introduite par un piano cristallin, la mélodie est ensuite reprise par Johnny Hodges de façon si douce et sexy que son sax alto donne l’impression de feuler comme un félin en pleine saison des amours. Pendant trois minutes, la musique avance souplement, feutrée, sensuelle, délicate, seulement guidée par le plaisir, un peu comme on se promènerait au milieu d’un parc floral foisonnant en se laissant attirer au hasard par la beauté des couleurs et par les parfums enivrants.

« Wherever it may grow

No matter where you go

A flower is a lovesome thing »

La version de Joe Henderson est assez magique également. Ici le thème est introduit par Wynton Marsalis, et le saxophone tenor de Joe danse subtilement autour de la mélodie avant de se lancer dans une improvisation caliente au possible.

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