Orelsan – « Notes pour trop tard » (feat. Ibeyi)

Quand j’ai écouté cette chanson pour la première fois, il y a 2 ans peut-être, j’ai dit à Aurore « Ouais, c’est sympa » .

Et puis je l’ai réécoutée tout seul.

Et réécoutée encore, en y faisant plus attention.

Et puis en ayant le texte sous les yeux.

Il y a des uppercuts qu’il aurait mieux valu prendre jeune… Je ne sais pas ce qu’aurait été ma vie si j’avais pu entendre une chanson comme ça quand j’étais ado, mais en tous cas je me serais senti moins seul et moins paumé, et je me serais peut-être moins angoissé pour l’avenir.

Orelsan a un côté branleur et provocateur qui peut être très agaçant, et je trouve certains de ses premiers textes franchement dégueulasses. Mais la maturité lui va bien, et ce texte-là est très beau. « Simple » , « basique » , il appuie exactement là où ça fait mal, avec une précision et une lucidité cliniques, ainsi qu’une sensibilité à fleur de peau. Ni violent, ni désabusé, c’est au contraire un texte d’une grande bienveillance, une sorte de debriefing compréhensif et encourageant: « Je suis passé par là y’a pas si longtemps, alors je suis bien placé pour sentir que tu galères, mais la vie est déjà assez difficile comme ça, alors n’en rajoute pas, fais-toi confiance, arrête de te bagarrer contre la terre entière, ouvre ton coeur, et tu verras ça finira par s’éclaircir, tu finiras par trouver ta voie et ta place… »

Les derniers mots, sur les visages qui se décomposent à l’annonce d’une terrible nouvelle, la nécessité d’être présent et de se soutenir les uns les autres, le temps qui à la fois nous dévore et finit par estomper nos peines, sont carrément bouleversants.

Quant à la musique, elle est très belle aussi. Simple, juste assez répétitive pour donner cette impression de mélancolie et d’enfermement si caractéristique de l’adolescence, avec une guitare subtile… et puis ces voix de femmes aériennes (le duo de soeurs Ibeyi) qui viennent ici et là apporter un peu de lumière, et qui clôturent magnifiquement la chanson, avec une merveilleuse douceur.

« Le passage à l’âge adulte est glissant dans les virages

Devenir un homme y a pas d’stage, pas d’rattrapage

Maintenant, t’es dans l’grand bain, devine comment on nage

T’auras toujours une espèce de rage, envie d’prendre le large »

« Arrête de passer ta vie à fuir, angoissé par l’avenir

Parce qu’y a rien à faire pour s’préparer au pire

Comme les attentats, les mauvaises nouvelles frappent quand tu t’y attends pas

Des proches un peu pressés partiront avant toi

Tu verras des gens heureux prendre un appel

Leur visage se décompose et rien n’est plus jamais pareil

Y a rien à faire, à part être présent

Panser les plaies, changer les pansements,

Le seul remède, c’est l’temps » .

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