Michael Nyman – « The morrow » (BO de « Bienvenue à Gattaca »)

Je ne suis pas un grand amateur ni de musiques de films, ni de science-fiction ou d’anticipation, mais pour cette BO là, et pour ce film là, je fais une exception sans aucune hésitation, car les deux m’ont fortement et marqué.

Sorti en 1997, « Gattaca » est le premier film écrit et réalisé par le scénariste britannique Andrew Niccol. Doté d’un casting 3 étoiles (Uma Thurman, Ethan Hawke et Jude Law), il décrit une société futuriste dans laquelle le destin de chaque individu est gouverné par son patrimoine génétique, sans la moindre possibilité d’en échapper. Conception in vitro, tri des embryons, eugénisme, tout est fait par les parents qui en ont les moyens (et qui n’ont pas de scrupule…) pour ne concevoir que des enfants « parfaits » , à qui les positions de pouvoir et les carrières ambitieuses et prestigieuses seront réservées. Quant aux autres, qui en sont réduits à se reproduire de façon naturelle, ils donnent pour la plupart naissance à des enfants « invalidés » , condamnés à une existence subalterne à cause de leurs fragilités et de leurs tares génétiques.

Puisque tout le monde n’a pas vu le film, je ne vais pas en déflorer l’intrigue (déflorer, c’est plus joli que spoiler, non ?). Je vais simplement dire qu’il est ici question de rêve, de liberté, de courage, de solidarité, de rencontre et de sacrifice, dans un monde où ces valeurs ont si peu cours qu’elles acquièrent un prix d’autant plus précieux. Tout cela est par exemple réuni dans la scène déchirante qui met en scène le défi à la nage entre les deux frères Vincent et Anton, l’un parfait et l’autre invalidé, au son du splendide « The other side » …

« The morrow » , qui ouvre « Gattaca » de façon mystérieuse et envoûtante, prépare à l’atmosphère clinique, glaciale et oppressante qui dominera pendant l’essentiel du film. C’est aussi le thème principal qui accompagnera la plupart des apparitions du héros Vincent (joué par Ethan Hawke, plus beau ténébreux que jamais), selon le principe wagnérien du leitmotiv.

Michael Nyman compose d’abord des coups secs et courts de contrebasse pincée, qui évoquent la pulsation irrégulière et instable d’un coeur fragile… comme celui de Vincent, dont on comprendra vite qu’il est son point faible, et qu’à cause de cela il est théoriquement empêché de réaliser son rêve de voler dans l’espace.

Après cette intro de 26 secondes entrent en scène des violons qui jouent une mélodie lancinante et vénéneuse, et qui semblent envelopper Vincent dans des filets implacables. Le même thème reviendra plusieurs fois dans la suite du film, avec à chaque fois la même façon de tourner en rond autour des mêmes notes, et une montée progressive dans les aigus, comme si Vincent devait, pour réaliser son rêve, pour se hisser au-delà du destin étroit qui lui a été assigné, pour grimper dans l’échelle sociale, monter les marches d’un escalier interminable – celui du logement occupé par le personnage de Jude Law ?

« The morrow » est un morceau assez génial qui, comme toute bonne BO, fait partie intégrante de la mise en scène. Il souligne parfaitement les sensations de tension et d’angoisse que Vincent éprouve en permanence dès lors qu’il essaye de s’extraire de son destin, au péril de sa vie s’il est démasqué. De même que les décors sont blafards, artificiels et désincarnés, la musique de Michael Nyman est froide et mécanique, mais ce choix ne fait que souligner le bouillonnement des émotions ressenties par Vincent sous son apparence livide: cet homme là est prêt à tout pour vivre à la hauteur de son rêve.

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