Jacques Brel – « Les coeurs tendres »

Bien sûr, j’aime beaucoup Jacques Brel. J’ai l’intégrale de ses albums, j’admire son écriture et son exigence artistique, je l’écoute de temps en temps. Mais j’avoue que parmi ses plus grands succès, certains ne m’enchantent pas vraiment. « Amsterdam », par exemple, je trouve ça assez grandiloquent, limite pompeux. Pareil pour « Les bourgeois » . Même « Ne me quitte pas » m’agace un peu, avec son pathos et ses images convenues sur le feu qui rejaillit alors qu’on le croyait éteint.

Je suis beaucoup plus sensible à des chansons considérées comme mineures dans le répertoire de Brel, qui en tous cas sont beaucoup moins connues, mais qui sont des bijoux pleins d’humanité, de bonté, de délicatesse, d’humilité… Par exemple « Je ne sais pas » (bouleversante chanson sur un homme qui se sent littéralement détruit par le départ de la femme qu’il aime), « Le prochain amour » (où il confesse qu’il a beau savoir que ça ne durera pas et que ça le fera souffrir bientôt, « ça fait du bien d’être amoureux« )… Dans ces chansons, Brel ne joue pas aux héros, il ne se met pas en scène, mais il se contente de dire simplement, tout bêtement, ce qu’il ressent.

« Les coeurs tendres » fait partie de cette catégorie. Écrite et composée pour le film « Un idiot à Paris », c’est une magnifique chanson sur la petite bonté de tous les jours, sur les gens modestes qui ont le coeur si « large« , si « frêle« , si « vaste » et si « tendre » qu’ils font naturellement le bien autour d’eux, sans se forcer, sans y penser, et parfois même en s’étonnant quand on les remercie du bonheur et du soutien qu’ils nous donnent. La générosité incarnée, qui ne prend même pas soin de se protéger contre les exploiteurs de tous poils qui tournent autour d’elle comme des charognards, et qui s’empressent d’abuser d’elle sans le moindre scrupule.

J’aime « Les coeurs tendres » parce que c’est une chanson qui a le don de me guérir de la misanthropie quand il me prend l’envie d’y céder (c’est-à-dire assez souvent, je dois le reconnaître).

Pour peu qu’on ait envie de les voir, pour peu qu’on leur donne envie et qu’on les encourage à montrer le meilleur d’eux-mêmes, des gens bien, il y en a beaucoup plus qu’on croit.

« Y en a qui ont le cœur si large

qu’on y entre sans frapper

Y en a qui ont le cœur si large

qu’on n’en voit que la moitié

(…)

Y en a qui ont le cœur si tendre

qu’y reposent les mésanges

Y en a qui ont le cœur trop tendre,

moitié hommes et moitié anges

(…)

Y en a qui ont le cœur dehors

et ne peuvent que l’offrir,

le cœur tellement dehors

qu’ils sont tous à s’en servir »

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