Sufjan Stevens- « Concerning the UFO Sighting near Highland, Illinoise »

Cette chanson est la première d’un album étonnant, dans lequel Sufjan Stevens effectuait sa deuxième étape d’un projet totalement dingue, auquel il n’a sans doute pas vraiment cru lui-même (enfin je l’espère pour lui, sinon ça signifierait que le garçon est sacrément mégalo): produire un Guide du routard des USA en 50 albums, je veux dire un album concept sur chacun des États des USA, avec à chaque fois des chansons sur des personnalités célèbres ou inconnues de l’État en question, sur des événements qui ont marqué sa grande et sa petite histoire, sur des lieux emblématiques, des activités typiques…

Étonnant, excentrique, exubérant, bigarré, patchworkesque, foutraque, bordélique, et même carrément déjanté ou barjot, l’album l’est aussi par les titres de plusieurs de ses chansons, dont celle-ci (mais il y en a d’autres aux titres encore plus délirants, j’en partagerai une un peu plus tard).

Cela dit, il faut aller au-delà de cette première impression, au-delà de l’étonnement, et dire tranquillement les choses telles qu’elles sont: ce disque est un enchantement, un chef d’oeuvre d’inventivité et de musicalité. Il contient une collection de merveilleux diamants, dont plusieurs se dégagent à mon avis: « Chicago » et « John Wayne Gacy, Jr. », que j’ai déjà partagées, « Concerning the UFO Sighting near Highland, Illinoise », que je vous fais découvrir (ou redécouvrir) ce soir, ou encore « The Seer’s tower » (dont le tour viendra sans doute).

Rares sont les chansons qui ouvrent un disque d’une manière aussi étrange, et pourtant de façon aussi limpide, harmonieuse, lumineuse, que « Concerning the UFO Sighting near Highland, Illinoise ».

Le texte, énigmatique, décrit une observation de soucoupes volantes qui a été rapportée dans les environs de la petite ville de Highland. On ne connaît rien de cet épisode, mais on s’en moque, parce que ce qui saisit et fait frissonner dès les premières secondes, ce n’est pas ce que le chanson raconte, c’est la forme qu’elle prend.

La mélodie et l’orchestration sont minimalistes mais éblouissantes: un piano qui reste bloqué sur quelques notes, une flûte gracile qui virevolte avec discrétion, et c’est tout. La guitare et la batterie sont restées à la porte du studio, car ce jour-là il était réservé aux instruments qui tutoient les anges.

Quant à la voix fluette de Sufjan Stevens, miraculeuse de douceur, s’apparentant parfois à un simple souffle, elle s’envole ici et là (par exemple à 1’18), on ne sait d’ailleurs pas pourquoi ici plutôt que là, car il n’y a ni couplet ni refrains.

La chanson ne dure que 2’09, mais c’est assez pour procurer, avec une acuité inouïe, une impression de paix et de fragilité qui reviendra à plusieurs reprises sur le reste de l’album. Cet homme cherche sa voie, expérimente en musique, joue de tous les instruments et dévoile sa sensibilité avec une telle honnêteté et une telle candeur que le fait de l’écouter procure immédiatement du réconfort, le sentiment d’être connecté à une âme sœur, à un humain qui sait chanter mais aussi écouter, apaiser, bercer…

Et dire qu’il y en a pour prétendre qu’il n’y a plus d’artistes!

« When the revenant came down

We couldn’t imagine what it was »

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