Gérard Manset – « Seul et chauve »

Attention, âmes sensibles s’abstenir…

Incluse sur la version initiale de l’album « Royaume de Siam » (mon préféré de Manset, et dans mon Top 10 tous genres confondus), mais expurgée dans les versions ultérieures, « Seul et chauve » est une chanson hallucinée, dont le texte, scandé par un piano brutal et par une guitare torturée qui martyrisent les oreilles et le coeur (surtout dans une dernière minute particulièrement tord-boyaux), est d’une cruauté implacable: « Un matin sans crier gare, je tomberai dans un couloir / Tu passeras sans me voir, / sans un geste, sans un regard (…) / Je serai seul et chauve » .

C’est aussi ce que dit le poète portugais Fernando Pessoa, avec une plume acérée comme un diamant glacial: « Si je meurs je ne manquerai à personne; on ne dira pas: Depuis hier la ville a changé » .

Finir seul et abandonné, comme un nourrisson terrorisé, épuisé et désespéré d’avoir hurlé en vain dans son berceau pour appeler au secours ses parents, c’est encore aujourd’hui une de mes grandes angoisses (moins qu’avant, mais ça reste quand même présent). J’ai longtemps pensé que le jour de ma mort, personne ne me regretterait, personne n’en serait éploré, et même que personne ne s’en rendrait compte.

Pour penser cela, pour être à ce point persuadé que je n’étais qu’un petit truc plus ou moins merdique et sans importance, dont l’existence ou la disparition égalent zéro dans la tête et surtout dans le coeur des autres, il faut quand même que je me sois construit sur des failles béantes…

« Un matin sans importance,

je serai là, sans connaissance,

tu t’en iras dans l’autre sens

vers le vide, le silence »

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