Voici une chanson très courte (seulement une minute et dix-neuf secondes), qui prouve une nouvelle fois qu’on peut émouvoir beaucoup en très peu de temps. Une chanson d’une beauté terrassante, qui vibre et palpite autant que moi lorsque, alors que je rédigeais cette chronique, je l’ai écoutée une douzaine de fois d’affilée.
Après avoir été l’un des précurseurs de la new wave au sein du groupe Japan (un groupe anglais, comme son nom ne l’indique pas), David Sylvian a démarré une carrière solo prolifique (une vingtaine d’albums).
Libéré des contraintes du collectif, il a pu explorer de nombreux styles musicaux (la musique électronique, l’ambient music, le rock progressif, parfois le jazz…), et laisser s’exprimer une personnalité parait-il très paradoxale, qui lui a valu d’être parfois comparé à David Bowie.
Je dis « paraît-il », car je ne connais quasiment pas cet artiste – « Secrets of the beehive » , son magnifique quatrième album, est le seul que j’aie écouté.
La plupart des chansons y sont placées sous le signe du dépouillement et de l’austérité, à commencer par celle-ci.
« September » donne l’impression d’avoir été composée, jouée et chantée avec une précaution méticuleuse, jusque dans les silences. Le piano résonne tant qu’on croirait qu’il a été enregistré dans une chapelle. La voix chaude et suave de David Sylvian glisse dessus avec une classe de dandy, et pourtant elle me scotche pas sa présence intense, carrée, de celles qui s’imposent qu’on le veuille ou non. La chanson n’est pas pour autant un piano-voix, puisque quelques amples nappes de cordes apparaissent à 0’44, lui donnant encore un peu plus de gravité.
L’impression de calme, d’intimité, de recueillement et de mélancolie qui est générée par ce morceau est d’autant plus frappante que c’est par lui que s’ouvre l’album. « September » est posée là pour attirer doucement notre attention, pour nous chuchoter que quelque chose d’important va être dit.
Quel est ce secret ou cette confidence? C’est semble-t-il, en tous cas j’aime à le croire, la persistance d’un amour qui est répété et célébré, comme pour exorciser le risque qu’il s’en aille (« We say that we’re in love » ). Un amour qui, de fait, résiste aux saisons: il existait lorsque le soleil brillait au coeur de l’été, il existera encore lorsque la pluie et les frimas d’automne auront repris le dessus, et il en sera encore ainsi l’année prochaine, lorsqu’on pourra se surprendre à murmurer, dans un souffle: « September’s here again » .