« Le temps a passé, et me revoilà. »
Aujourd’hui je suis revenu dans la maison de mon enfance, là où vivent encore mes parents, qui s’y sont installés il y a un demi-siècle.
Pour beaucoup, le retour tardif sur les traces de l’enfance est douloureux. Dans cette chanson, par exemple, Françoise Hardy dresse le constat nostalgique et mélancolique que tout a changé, que des choses et des lieux auxquels elle est attachée ont disparu (« Là où vivaient des arbres maintenant, / la ville est là / Et la maison, les fleurs que j’aimais tant / n’existent plus » ), que des personnes dont elle aimait entendre les rires s’en sont allées vivre ailleurs ou ne sont plus de ce monde (« Toutes ces choses auxquelles je tenais, / d’elles et de mes amis plus une trace / D’autres gens, d’autres maisons ont volé leurs places » ).
Françoise Hardy chante la déception et la peine de son habituelle voix douce et lasse, quasiment a capella dans le premier couplet, puis accompagnée par une guitare folk, par une rythmique qui se tient à distance respectueuse de ses émotions, et enfin par des cordes délicates qui semblent vouloir la consoler. À l’époque elle s’est éloignée des yéyé pour suivre son propre sillon, celui d’une variété française fine et sensible, d’une beauté triste et pleine de charme.
Pour ma part j’ai de la chance: je sais où est ma maison, et elle est toujours la même, ma chambre aussi, et notre salle de jeux, et le garage dans lequel nous jouions au ping-pong, et la terrasse sur laquelle j’ai tapé sans fin dans un ballon ou une petite balle jaune, seul ou avec mon frère. Mieux même, l’école, la « maison pour tous » et les courts de tennis sont toujours là, les paysages que je pouvais embrasser chaque matin et chaque soir depuis la fenêtre de ma chambre sont à peu près intacts, et demain j’irai faire le tour des crêtes ou je monterai aux quatre seigneurs en ayant l’impression d’être replongé trente ans en arrière, lorsque j’arpentais les chemins en courant entre les prairies et le long des haies…
Le village est resté, par je ne sais quel miracle, un peu à l’égard de la dévastation du monde, et je peux avoir, sans trop de peine, l’impression de rentrer chez moi.
Et le plus important, c’est qu’enfin je sens que je rentre à visage découvert, écouté et accepté tel que je suis.
Je suis heureux d’être revenu à la maison.
« Quand j’ai quitté ce coin de mon enfance,
je savais déjà que j’y laissais mon cœur »