Ce soir c’est un partage musical de circonstance et en forme d’hommage, puisque la batteuse et chanteuse de ce groupe américain originaire du Minnesota, Mimi Parker, vient de décéder à l’âge de 55 ans seulement, des suites d’un cancer des ovaires.
Low a été formé en 1983 par Alan Sparhawk (guitare, chant), John Nichols (basse), bientôt rejoints par Mimi Parker (batterie, chant). Le trio est surtout porté par Sparhawk et Parker, deux mormons qui se sont mariés et ont eu deux enfants. Ce n’est pas anecdotique, car cela explique peut-être la troublante alchimie qui émane de leur musique…
Dans ses premiers albums, Low a creusé le sillon d’un rock intimiste, très lent (Low est l’un des groupes qui porte le mieux son nom), fortement inspiré par l’ambient music et notamment par Brian Eno. Certains ont parlé de slowcore ou de sadcore: dans les deux cas cela désigne un genre de rock caractérisé par des mélodies graves, des arrangements minimalistes, des sons de guitare très clairs et cristallins mais enrichis par la réverbération, des tempos très lents qu’on croirait dictés par une tortue chloroformée, et des paroles poignantes (« C’est comme poignarder l’obscurité, c’est ce que je fais en permanence » , a dit un jour Alan Sparhawk).
Bref, Low c’est une certaine vision de l’ascétisme musical.
Sorti fin 1994, « I could live in hope » (quel beau titre!) est le premier album de Low. On y trouve déjà, notamment sur ce morceau, ce qui est la marque de fabrique du groupe: l’utilisation du silence, de la suspension et de la lenteur pour installer une tension fiévreuse, susciter une envie que ça s’accélère… et l’art de libérer soudain l’énergie trop longtemps contenue, de façon sourde, résolue et implacable.
Dans cette chanson à la construction cérébrale mais néanmoins très sensible, belle comme une berceuse mais tranchante comme une complainte, cela commence par quelques notes de guitare et de basse, très espacées les unes des autres, sur lesquelles vient se poser la voix de Mimi Parker, qui tutoie les cimes de la douceur et de la désolation. Il faut attendre 3’55 pour que la batterie apparaisse, d’abord de façon très feutrée. À 4’56, la guitare commence à se faire plus vive, plus rapide et intense, et alors elle me fait clairement penser à la cold wave de The Cure, notamment dans certains passage de « Faith » . Une minute encore, à 5’45, et le trio s’anime en choeur: cela ne devient pas pour autant furieux, mais on sent l’énergie s’ébranler et se déployer pour une magnifique montée en puissance, qui happe littéralement à partir de 8′.
Et puis cela retombe tout à coup dans les sonorités et le rythme du début: après s’être lentement et longuement déplié, le morceau rentre dans sa coquille pour y retrouver la paix (ou l’accablement?), un peu comme on laisse patiemment se déposer au fond du bocal toute les particules qu’on vient d’y faire tourbillonner.
Plus qu’une berceuse, « Lullaby » est pour moi un superbe et émouvant exercice de méditation en musique, qui donne une impression de perfection fragile et délicate, à contempler mais à ne surtout pas perturber.
Un peu comme une âme qu’on invite à reposer en paix.
« Lullaby
Was not supposed to make you cry
I sang the words I meant »